La campagne de vaccination contre la covid-19 est présentée comme la seule parade possible pour tenter de faire reculer la pandémie. Alors que mois de 10% de la population française voit, à ce jour, son cycle vaccinal achevé, les Départements continuent d’apporter leur concours à la campagne vaccinale menée par l’Etat. Tour d’horizon des dernières données établies par Santé Publique France, de quoi faire le point sur la stratégie vaccinale à l’échelle départementale.
Après plusieurs semaines d’évolution en dents de scie, il semble que la campagne vaccinale ait atteint un « rythme de croisière », comme le montrent plusieurs indicateurs. D’abord, le taux d’augmentation du nombre de doses administrées chaque semaine est relativement constant, autour de 17%, malgré une baisse mécanique chaque semaine du au poids de plus en plus significatif de la population vaccinée. Cela signifie que le volume de doses injectées suit une courbe ascendante, même si elle n’est pas exponentielle. Ensuite, la part nouvelle de la population vaccinée chaque semaine est de plus en plus importante au fil des semaines, et se rapproche aujourd’hui des 2,5%. Un rythme plus soutenu qu’au début de la campagne donc, mais qui ne doit pas masquer les importantes disparités territoriales qui existent entre les Départements, le taux de couverture vaccinale (première dose) variant de 4,6% à plus de 30% dans certains territoires.
Depuis le début de la campagne de vaccination, deux dynamiques contraires sont observables : dans les Départements à dominante rurale, la part de la population vaccinée est plus importante, et le rythme de vaccination, même s’il est parfois moins soutenu qu’en zone métropolitaine, est nettement plus constant ; au contraire, les Départements à dominante urbaine, ou accueillant d’importantes métropoles, sont moins avancés dans le processus de vaccination, et demeurent très dépendants des fluctuations dans le rythme de livraison et de la mise en place de vaccinations « de masse » plus ponctuelles, notamment le week-end. Les Départements les plus avancés sont ainsi parmi les moins peuplés et denses, à l’image de la Creuse (29,7% de la population ayant reçu une première dose), du Cantal et de l’Aveyron (28,5%), de l’Orne (28,2%) ou encore de la Corse (29,7% de primo-vaccinés), territoire le plus avancé à ce jour dans la campagne de vaccination. Certains départements ayant connu une situation épidémique particulièrement préoccupante ces dernières semaines ont également bénéficié de livraisons supplémentaires ayant entraîné une augmentation de la couverture vaccinale, à l’image des Alpes-Maritimes (28,1%) ou de la Nièvre (28,2%). A contrario, les Départements dominés par d’importantes métropoles connaissent des taux de vaccination moins élevés, comme l’Ile-de-France (16% en moyenne hors Paris), le Rhône (19,4%), la Loire-Atlantique (19,7%) ou encore la Haute-Garonne (20%).
Notons par ailleurs que les Départements d’Outre-Mer montrent encore des chiffres de vaccination bien inférieurs à la métropole (6,8% en moyenne de la population ayant reçu une première dose). Cette différence s’explique par un début de campagne de vaccination plus tardif, et par plusieurs difficultés logistiques notamment dans l’acheminement et la conservation des vaccins. Les livraisons vers ces territoires continuent de connaître un rythme beaucoup plus faible que la métropole.
Les Départements sont classés sur ces graphiques en fonction d’une typologie établie par l’INSEE, basée sur le pourcentage de la population vivant dans la zone d’influence d’une métropole, d’une grande ville ou d’une petite ou moyenne agglomération.
L’une des conséquences de cette dichotomie entre Départements ruraux et urbains réside dans l’absence de réelle corrélation entre situation épidémique et accélération de la vaccination. En effet, de façon assez illogique, on observe que les Départements où le taux d’incidence est le plus élevé sont aussi très souvent ceux qui souffrent d’une couverture vaccinale plus faible (cf. cartes ci-dessous).
Cette lacune importante de la stratégie vaccinale peut en partie s’expliquer par le mécanisme de répartition des doses livrées par les laboratoires. Les données publiées par Santé Publique France concernant les livraisons de vaccins suggèrent en effet que leur répartition se base uniquement sur un critère démographique, sans prendre en compte les différences dans les indicateurs de propagation du virus. Si l’on rapporte le nombre de doses livrées par rapport à la population départementale et à la situation épidémique, on observe ainsi que des Départements très fortement touchés reçoivent proportionnellement moins de doses que d’autres territoires où la situation est plus favorables, à l’image de la Seine-Saint-Denis et de la Seine-et-Marne, qui ont reçu la semaine dernière de quoi vacciner environ 2,2% de leurs populations, alors que les taux d’incidence y atteignent respectivement 550 et 450 cas pour 100 000 habitants, ou bien du Nord, qui n’a reçu qu’un nombre de doses égal là aussi à 2% de sa population, pour un taux d’incidence de 400/100 000. Au contraire, des Départements comme la Haute-Corse ou, qui ont reçu la semaine dernière de quoi vacciner près de 6% de leur population, connaissent des taux d’incidence proches de 150/100 000 habitants. Une stratégie paradoxale qui souffre par ailleurs d’un manque de clarté sur les livraisons prévues, qui ne sont que partiellement communiquées et incertaines, comme l’ont fait remarquer les associations d’élus et l’ADF dans plusieurs communiqués adressés au Premier Ministre…
Le vaccin de Pfizer est depuis le début de la campagne le pilier central de la vaccination, puisqu’il représente plus de 75% du total des doses injectées. Le vaccin de Moderna, livré dans des proportions beaucoup moins importantes, demeure très minoritaire avec moins de 8% des vaccinations, alors que les volumes de livraison en provenance du laboratoire américain devraient encore continuer à diminuer. Le vaccin Johnson & Johnson a été introduit cette semaine dans la campagne de vaccination, à une échelle pour l’instant trop faible pour en dégager une vraie dynamique.
Le vaccin AstraZeneca connaît quant à lui une baisse significative de son poids dans le total des doses injectées, et ce depuis plusieurs semaines. Alors que le vaccin britannique se présentait il y a encore un mois comme le véritable « moteur » de la vaccination, particulièrement dans les zones urbaines avec son autorisation chez les médecins de ville et les pharmaciens, celui-ci connaît un recul très net, imputable non seulement à des volumes de livraison très loin des engagements conclus avec l’Union Européenne, mais aussi et surtout à cause de la défiance croissante de la population. En effet, à la mi-mars déjà, la suspension temporaire du vaccin d’Astra Zeneca par le gouvernement pendant trois jours, à la suite de la découverte de très rares cas de thrombose ayant suivi l’injection, avait fait baisser très fortement la part du vaccin dans le total des doses administrées. Depuis quelques semaines, alors que le Danemark et la Norvège ont interdit définitivement ce type de sérum sur leurs territoires, les autorités sanitaires, par des mesures manquant souvent de clarté (interdiction aux moins de 55 ans, doutes sur l’efficacité face aux variants…), ont fait monté la méfiance des français envers le vaccin d’Astra Zeneca, faisant descendre sa part dans le total des doses injectées à 17%, là où ce chiffre dépassait les 20% avant la suspension de mars. Un mouvement qui devrait se prolonger, les cas de rendez-vous annulés ou non honorés se multipliant partout sur le territoire…
Les Départements, chefs de file de la solidarité à l’échelle locale, poursuivent leur implication dans l’accélération de la campagne vaccinale, grâce à leurs moyens matériels et humains importants ainsi que leur connaissance avancée des publics les plus vulnérables. L’aide à la mise en place des centres de vaccination, la mobilisation des personnels départementaux et des SDIS ou encore le transport des personnes les plus isolées vers les centres sont autant de mesures fortes portées aujourd’hui par les conseils départementaux pour amplifier le rythme de vaccination.