Territoires unis : « La décentralisation est la réponse à la crise des gilets jaunes »

Réunis au sein de Territoires unis, l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France et Régions de France ont dévoilé ce 13 mars leur contribution commune au Grand Débat national. Des propositions entièrement centrées sur un nouvel acte de décentralisation et qui constituent, selon les élus locaux, la vraie réponse aux attentes des Français.

La décentralisation, une chance pour notre pays. Les représentants des trois principales associations d’élus locaux, Association des maires et des présidents d’intercommunalité (AMF), Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France, l’avaient clamé lors de « l’appel de Marseille » du 26 septembre dernier, qui a débouché sur la naissance d’un mouvement commun, Territoires unis.

La crise des gilets jaunes, qui a éclaté peu après, n’a fait que conforter leur sentiment. La décentralisation est le moyen le plus à même de répondre aux demandes des citoyens, ont-ils ainsi redit lors d’une conférence de presse commune, ce 13 mars, au siège de l’AMF, à Paris. L’acte III de la décentralisation qu’ils appellent de leurs vœux est au cœur de la contribution au Grand Débat national (en téléchargement ci-dessous) que les présidents des trois associations ont présentée devant un parterre de journalistes.

« Nous posons les bases de ce qui constitue notre conception de la décentralisation », a d’emblée expliqué François Baroin, président de l’AMF. Cette « décentralisation puissante » est à rapprocher, dans son esprit, des lois Defferre-Mauroy du début des années 1980, a-t-il dit. « Nous proposons un nouveau choc de décentralisation », a pour sa part lancé Dominique Bussereau, président de l’ADF. « Démocratie », « efficacité » et « économies » : c’est par ce triptyque que son collègue de Régions de France, Hervé Morin, a défini « le nouvel élan de décentralisation » voulu par Territoires unis. La recette idéale, selon lui, pour « faire en sorte que la fin du quinquennat soit utile ».

Un État recentré sur ses missions régaliennes

Avec, à leurs côtés, le premier vice-président délégué (socialiste) de l’AMF, André Laignel, et le secrétaire général (socialiste) de l’ADF, André Viola, les présidents des principales associations d’élus locaux, tous trois de droite, n’ont pas décliné « un catalogue de mesures auquel il faudrait répondre par oui ou par non », comme l’a pointé François Baroin, mais plutôt les « objectifs » du nouvel épisode de décentralisation qu’ils soutiennent.

« Aller jusqu’au bout de la décentralisation », comme l’a expliqué Hervé Morin, est l’un des premiers principes posés par Territoires unis. Cela signifie que l’État doit « se recentrer sur ses missions régaliennes » et cesser de continuer à intervenir dans les champs de compétences des collectivités territoriales, engendrant des « doublons ». C’est ainsi qu’ « il faut en finir avec l’idée que notre pays peut se payer le luxe de la décentralisation et de la déconcentration », a souligné Hervé Morin. « En matière de solidarités sociales », les départements « sont capables d’assumer totalement leurs responsabilités. Nous pensons que l’État peut se retirer », a soutenu de son côté Dominique Bussereau. L’élu a aussi plaidé pour le transfert des routes nationales aux départements et pour un renforcement du poids de ces derniers en matière d’ingénierie au service des territoires. Ces propositions impliquent la mise en oeuvre de transferts, mais elles n’entraînent « pas un chamboule-tout », a estimé François Baroin.

« Pour les régions, la question n’est pas tellement le transfert massif de compétences, mais plutôt un toilettage des compétences sur lesquelles nous sommes déjà parties prenantes », a pour sa part indiqué le président de la région Normandie. Qui a évoqué les champs de la formation professionnelle, de l’économie, des pôles de compétitivité, de l’emploi.

Adapter localement l’application des lois

Pour « adapter leurs interventions aux spécificités des territoires », les élus ont soutenu le principe de la différenciation territoriale que le gouvernement a proposé d’inscrire dans la Constitution. Dans la même veine, ils ont plaidé pour « l’attribution aux collectivités territoriales d’un pouvoir réglementaire d’application des lois se substituant à celui du Premier ministre », une idée sur laquelle l’exécutif est pour l’instant assez prudent.

Alors que la loi d’août 2015 sur l’organisation territoriale a mis en avant le couple région-intercommunalité, Territoires unis prône une architecture institutionnelle fondée sur les communes, les départements et les régions. Dans ce paysage, les intercommunalités, qui prennent la forme de syndicats de communes et d’EPCI à fiscalité propre dont les élus sont désignés par le fléchage instauré en 2014, ne sont que les « outils » des communes, a insisté André Laignel, président de la commission intercommunalité de l’AMF.

Avec ses collègues, le président du Comité des finances locales (CFL) a souhaité que la prochaine révision de la Constitution assure aux communes et aux départements une véritable autonomie fiscale, synonyme de la possibilité de fixer le taux des impôts locaux. Très attachés à ce principe, les présidents de départements refusent que la taxe foncière perçue aujourd’hui par leurs collectivités soit transférée au secteur communal, une option qu’envisage l’exécutif pour compenser la suppression de la taxe d’habitation. Dans leur opposition, ils ont reçu le soutien de l’AMF. « Il n’y aura pas de guerre entre les communes et les départements sur la taxe d’habitation », a juré François Baroin. Sur ce sujet des finances locales, Territoires unis fera des propositions « d’ici l’été », a-t-on appris. En sachant que d’ores et déjà, la proposition du CFL en faveur de la poursuite du dégrèvement intégral de la taxe d’habitation au profit des communes et de leurs groupements fait l’objet d’un consensus.

Une « conférence nationale de la décentralisation »

À la place de la conférence nationale des territoires que l’AMF, l’ADF et Régions de France ont boycotté au motif qu’elle n’était qu’une « chambre d’enregistrement », les associations d’élus locaux proposent d’instaurer une « conférence nationale de la décentralisation » qui serait le lieu de « la co-construction des politiques publiques » entre les maires, les présidents de département et de région et l’État (mais sans les présidents d’intercommunalité).

Dans un communiqué, les ministres en charge de la cohésion des territoires et des collectivités territoriales, Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu, ont remercié « l’AMF, l’ARF et l’ADF pour leur contribution au Grand Débat national ». « L’adaptation de certaines normes et la clarification des compétences doivent […] permettre à tous les niveaux de collectivités de mieux assumer leurs missions et les responsabilités qui en découlent », ont-ils déclaré. En précisant que des « orientations précises » seront fixées par le président de la République. « Dans la foulée, le gouvernement proposera une méthode de concertation adaptée associant les associations d’élus, les parlementaires et l’ensemble des élus locaux pour poursuivre ensemble ce travail », ont-ils conclu. C’est, donc, au minimum dans ce cadre-là que les responsables de Territoires unis peuvent espérer discuter avec l’exécutif de leurs propositions.

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