En souhaitant devenir un « eurodépartement », la Moselle jette un nouveau pont vers ses voisins

Le conseil départemental de la Moselle a adopté, le 9 mai, une résolution visant à devenir un « eurodépartement » doté de nouvelles compétences. Une façon de saisir les opportunités ouvertes par le récent traité d’Aix-la-Chapelle et le « droit à la différenciation » défendu par le président de la République.

C’est ce qui s’appelle saisir la balle au bond : en s’appuyant sur le « droit à la différenciation » de la future révision constitutionnelle et sur le traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle du 22 janvier 2019, les élus mosellans ont adopté à l’unanimité, le 9 mai – jour de la Fête de l’Europe -, une résolution visant à faire de la Moselle un « Eurodépartement ». Pour l’occasion, le président du conseil départemental, Patrick Weiten (UDI) avait invité son homologue du Landtag de Sarre Stephan Toscani et quelques élus sarrois. « Le département de la Moselle, avec ses voisins et partenaires, plus particulièrement sarrois, va engager les réalisations concrètes qui nous aideront à faire l’Europe que nous aimons », a clamé Patrick Weiten, dans un discours empreint d’inquiétude « face à l’orage qui menace », à quelques jours des élections européennes.

100.000 travailleurs transfrontaliers

Avec 100.000 travailleurs qui se rendent de l’autre côté de la frontière, la Moselle se décrit comme le 2e département frontalier français et se sent légitime pour prendre les devants. Et demander « une extension de ses capacités d’intervention, précisément en raison de l’environnement transfrontalier particulier qui est le sien, et sa volonté de siéger au sein du futur Comité de la coopération transfrontalière », a déclaré le président du département. Ce comité créé par le traité d’Aix-la-Chapelle doit associer Etats, régions, départements, eurodisctricts et parlementaires. La Moselle et la Sarre ont demandé à y siéger ensemble. Le même traité prévoit de doter les collectivités frontalières et leurs eurodistricts de « compétences appropriées », de « ressources dédiées » et « de procédures accélérées ». Dans sa résolution, le département de la Moselle entend ainsi se doter de nouvelles compétences dans huit domaines, en particulier les transports et la mobilité transfrontalière. Le département revendique ainsi la capacité d’instaurer une taxe sur les véhicules de plus de 3,5 tonnes « pour faire face au report des flux venus des territoires ayant mis en service ce dispositif ».
Alors que 60% des élèves du 1er degré et 90% des collégiens mosellans apprennent l’allemand, les élus départementaux demandent aussi une compétence partagée avec l’Education nationale sur les enjeux du plurilinguisme. Ils souhaitent de même exercer une compétence partagée avec la région Grand Est en matière de tourisme et d’attractivité territoriale et une compétence dans la gestion des fonds européens sur leur propre territoire.

Autres revendications : attribuer des aides directes aux entreprises (faculté retirée aux départements avec la loi Notre) et aux agriculteurs, créer une agence d’insertion avec des parcours de formation-insertion, valoriser les friches industrielles… Voilà qui n’augure pas forcément d’une « clarification des compétences », même si Patrick Weiten veut surtout voir dans cette démarche un moyen de lever obstacles et tracasseries. La Moselle emboîterait ainsi le pas des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin qui devraient fusionner dans une « collectivité européenne d’Alsace » ; le projet de loi de cette fusion devant passer à l’Assemblée courant juin. « Dans un esprit schumanien assumé et revendiqué, la Moselle et la Sarre sont des pionnières de cette dynamique au sein de la Grande région transfrontalière à laquelle nous devons donner ensemble un nom », a déclaré Patrick Weiten.
Pour marquer leur nouveau rapprochement, les présidents de la Moselle et la Sarre ont cosigné à l’issue de la rencontre un courrier adressé à Emmanuel Macron et Angela Merkel. Place à présent à la révision constitutionnelle pour que ce droit à la différenciation, brandi par Emmanuel Macron lors de la conférence nationale des territoires du 17 juillet 2018, soit gravé dans le marbre.

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