Les rapprochements entre Départements : des expériences complexes à mener mais qui permettront d’être « plus efficaces » !

L’ADF avait réalisé une étude sur ce sujet entre fin 2019 et octobre 2020 avec le concours d’une vingtaine de Directeurs généraux et d’élus départementaux qui ont tenté l’expérience.  

Le courage d’oser le changement institutionnel

Cette étude s’inscrit dans la continuité d’un colloque organisé en 2018 par l’ADF sur l’innovation départementale suivi d’une enquête et d’un ouvrage sur les relations entre Départements et Métropoles. Elle met en avant des initiatives conduites par des Départements qui se sont engagés dans des rapprochements institutionnels peu fréquents en matière de décentralisation.

La perspective du projet de loi d’élargissement de la différenciation territoriale constitue un réel encouragement à créer ou à approfondir de nouvelles coopérations interdépartementales sur le plan institutionnel. A terme, leur multiplication, prendra la forme de mutualisations de services efficaces mais aussi d’ententes institutionnelles prometteuses qui permettront peut-être d’envisager des projets de fusion ambitieux entre Départements.

Des rapprochements institutionnels départementaux d’ampleur variée

Pour mener à bien l’évolution des responsabilités attendues de la réforme de la décentralisation et surtout s’adapter au contexte de crise économique et sanitaire actuel, les Départements vont devoir anticiper l’effet de ciseaux à venir. Les coopérations permettront de recréer des entités administratives de taille intermédiaire, dotées d’un poids important.

Dès 2018, dans un contexte d’après réforme territoriale, plusieurs Départements se sont essayés à quelques expériences de mutualisation, de rapprochement ou de projets de fusion interdépartementaux, sortes de « fiançailles avant mariage » au service d’objectifs politiques communs ! Des rapprochements thématiques comme ceux de la Mayenne, de la Sarthe et du Maine-et-Loire jusqu’au « laboratoire expérimental européen » alsacien, tour d’horizon des différentes formes de coopération observées ces dernières années.

Une approche prudente et adaptée aux contextes locaux

L’étude révèle que la plupart des projets reflètent une approche prudente des élus, avec un souci de coller d’abord aux réalités locales. C’est le cas de l’entente entre la Loire et la Haute-Loire, développée selon une approche très progressive et pragmatique. La mise en place d’outils de coopération, traduisant une forte confiance mutuelle, va permettre à terme d’exercer ensemble des compétences partagées, d’apporter des aides plus efficaces à l’agriculture, de créer des modalités communes de mise en œuvre de la solidarité sociale, d’améliorer l’entretien du réseau routier départemental et de créer une « conférence de l’entente », véritable instance politique de coordination.

Autre exemple entre le Loir-et-Cher et l’Indre ou avec l’Indre-et-Loire. Dans un contexte de rigueur budgétaire, l’optimisation des moyens dédiés aux politiques publiques est un atout. Les coopérations se sont ainsi concrétisées à travers notamment une mutualisation des fonctions supports des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), un schéma commun de développement de la fibre optique ou encore en matière de marchés publics.

LA recherche de collaboration souple et efficace

Les Départements peuvent, dès le début de leurs initiatives de rapprochement, ne pas envisager d’aboutir à une fusion. C’est le cas de l’Isère et des Hautes-Alpes qui ont souhaité bâtir une collaboration efficace, à travers un plan d’action destiné à augmenter la capacité d’action départementale dans les domaines de l’entretien des routes, du développement du tourisme, de la culture. L’objectif consiste aussi à réduire les dépenses de fonctionnement.

D’autres exemples se sont faits jour autour d’une volonté politique commune de développer l’attractivité économique et touristique : dans le Cher et l’Indre à travers la marque « Berry », ou en Charente et en Charente-Maritime via la structure interdépartementale « Charentes Tourisme ».

Aussi, depuis cinq ans, la coopération interdépartementale G5 et même régionale G6 est une réalité en Normandie, favorisant les échanges entre Présidents mais également entre services, sans nuire à la vocation de chaque entité. Ces coopérations « souples » obéissent d’abord à une logique d’amélioration de la relation et de l’offre de services à l’usager, et permettent ensuite d’assurer « une couture administrative » entre les cinq Départements en matière de continuité d’exploitation des routes, de sectorisation scolaire et de mise à disposition d’équipements publics auprès des bassins de vie.

La promesse d’une démocratie locale renouvelée grâce aux projets de fusion

A cet égard, la Savoie et la Haute-Savoie ont reporté à 2027 leur projet de fusion mais ont eu le désir de bâtir de solides coopérations en matière d’action sociale, d’enseignement supérieur, de tourisme (via la création de Savoie-Mont-Blanc dès 2016, assemblée politique, dotée d’une autonomie financière) ou de routes face à la grande Région Auvergne-Rhône-Alpes et aux puissantes métropoles Rhônalpines.

En Ile-de-France, les deux assemblées délibérantes des Hauts-de-Seine et des Yvelines votaient concomitamment en 2017 leur fusion. Leur ambition : répondre aux habitudes de vie des habitants, aux choix des acteurs économiques et aux nécessités de l’action publique face à un processus métropolitain de la région parisienne, susceptible de créer des déséquilibres dans de nombreux domaines. Fortement portée par les élus locaux, cette coopération interdépartementale, concernant 50% des missions, a déjà permis de réaliser des projets innovants (ex. : création d’une vingtaine de maisons médicalisées, mutualisation de l’entretien de 2 000 km de routes, des archives et des collèges, etc.). Pourtant, trois ans plus tard, l’Etat refuse encore de se prononcer et bloque ce projet.

Enfin, le rapport de l’ADF s’achève sur le projet de fusion du Haut-Rhin et du Bas-Rhin. La Collectivité Européenne d’Alsace, qui verra le jour le 1er janvier 2021, représente l’aboutissement de la décentralisation par la différenciation et constitue une expérimentation majeure pour renouveler la démocratie locale. La principale innovation sera la réalisation d’un schéma transfrontalier prévoyant un volet opérationnel pour les projets structurants comme les déplacements routiers et autoroutiers et des coopérations dans le domaine sanitaire à l’échelle européenne. Sa réussite repose sur une détermination politique forte et l’affirmation d’une identité culturelle régionale très ancienne.

Au terme de ce premier état des lieux des rapprochements institutionnels connus et encore peu nombreux, à l’heure où beaucoup aspirent à un renouveau de la décentralisation, d’autres Départements s’inspireront-ils de ces expérimentations institutionnelles innovantes au moment où « la différenciation » devient le maître mot de la libre administration des collectivités locales ?

Retrouvez ci-joint l’étude de l’ADF 

 

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