LOM : les députés adoptent le versement mobilité et assouplissent les 80 km/h

Les députés ont achevé ce 6 juin l’examen en séance du titre Ier du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) portant sur l’organisation territoriale de la mobilité. De nombreux amendements, principalement techniques ont été adoptés. Après de longs débats, le versement mobilité a finalement été adopté sans modification. Les députés ont par ailleurs voté jeudi soir un assouplissement des 80 km/h sur certaines routes secondaires, en laissant la responsabilité aux départements et aux maires d’adapter la vitesse.

Compétence d’organisation de la mobilité – article 1er

Les députés ont adopté, avec quelques modifications, l’article 1er dont l’objet est d’inscrire la gouvernance en matière de mobilité dans un binôme régions-intercommunalités de façon à assurer la couverture effective de l’ensemble du territoire par l’action d’autorités organisatrices de la mobilité (AOM). S’agissant des grands principes de la politique des transports, dans la continuité des travaux de la commission, le texte précise que les AOM contribuent aux objectifs « de lutte contre la pollution sonore », au même titre qu’à la lutte contre le changement climatique, la pollution de l’air et l’étalement urbain. L’AOM unique d’Île-de-France, Île-de-France Mobilités (IdFM) se voit également assigner cet objectif.
Un autre ajout en séance permet aux régions, en qualité d’autorités organisatrices de la mobilité régionale (AOMR), de déléguer, par convention, un ou plusieurs services de mobilité à un groupement européens de coopération territoriale (GECT) lorsque celui-ci se trouve sur leur ressort territorial.
À l’initiative du rapporteur du titre, Bruno Millienne, le texte rend facultative, pour les communautés de communes et pour les régions qui s’y substituent lorsque celles-ci ne se sont pas emparées de la compétence d’AOM, l’élaboration d’outils d’aide aux décisions ayant un impact sur les pratiques de mobilité. Là encore, en cohérence, la commission ayant rendu facultative l’élaboration d’un plan de mobilité par ces AOM.
Sur l’organisation des mobilités dans la région Île-de-France, la rapporteure pour avis, Monica Michel, a porté un amendement destiné à prévoir une délibération systématique au sein du conseil d’administration d’Île-de-France Mobilités des demandes de délégation des collectivités intéressées. Un amendement du gouvernement confie par ailleurs à Île-de-France Mobilités les missions de maintenance et de renouvellement des équipements des gares, des sites de maintenance et de remisage et des postes de commande centralisés du Grand Paris express.
Toujours à l’initiative du gouvernement, le texte étend la faculté de financer un surcroît de dessertes ferroviaires – dont dispose les métropoles – aux communautés urbaines ou aux syndicats mixtes auxquels elles ont transféré leur compétence d’organisation de la mobilité. Cela pourrait permettre le développement des tram-train sur le réseau existant – à l’image de celui de Mulhouse, seul exemple en France-, solution qui, selon la ministre, « peut s’avérer intéressante et moins onéreuse que la création de nouvelles lignes en site propre ».
Le co-responsable du projet de loi, Damien Pichereau (LREM) a apporté une précision à la disposition introduite au Sénat visant à inciter l’autorité compétente pour l’organisation des transports scolaires à ouvrir ces services à d’autres usagers. Il s’agit de s’assurer que cette ouverture n’affectera pas la qualité du service pour les élèves les utilisant. L’amendement vise par ailleurs à rendre applicable la disposition à l’Île-de-France.
Le député Martial Saddier (LR) s’est quant à lui emparé du sujet des gares routières, de manière à favoriser l’intermodalité, en prévoyant la création de pôles d’échanges multimodaux dimensionnés aux flux des passagers et accueillant différents modes de transport terrestre.

Versement mobilité – article 2

Après plus de trois heures de débat, l’article 2 relatif au « versement mobilité » qui à vocation à remplacer l’actuel versement transport a lui aussi été adopté sans aucune modification. En commission, les députés étaient revenus à la version initiale du texte, en supprimant l’exonération liée au télétravail et la possibilité de percevoir le versement mobilité sans organiser de services réguliers.
Il ne s’agit pas « d’une recette magique qui pourrait être augmentée indéfiniment », mais bien « d’une charge qui pèse sur nos entreprises », a martelé en séance la ministre pour contrer les propositions d’augmentation. Sur l’accompagnement des intercommunalités, elle a rappelé l’existence de nombreux autres leviers pour les aider à financer la mobilité, que ce soit au titre de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), des certificats d’économie d’énergie (à l’image du programme Alvéole) ou de dispositifs pilotés par l’Ademe. Elle s’est également opposée à un fléchage vers les régions d’une part de TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques). Quant à la péréquation du versement mobilité au sein d’aires urbaines, la mission d’élaboration d’un agenda rural créée par Jacqueline Gourault ne manquera pas, a relevé la ministre, « d’apporter sa contribution à la réflexion ».
Autre enjeu important, celui de la transmission des données Urssaf (actuellement sous secret professionnel). La ministre a assuré que la demandes des AOM a été entendue. L’Acoss s’y est engagée par courrier et une expérimentation devrait suivre.
Le débat initié au stade de la commission sur l’instauration d’un taux réduit de TVA à 5,5% pour les transports publics du quotidien, a resurgi en séance, sans toutefois aboutir.

Attribution d’une fraction de TICPE au financement des services de mobilité – article 2 bis

Le dispositif introduit au Sénat pour compléter le versement mobilité, consistant à affecter une part de TICPE aux communautés de communes dont le potentiel fiscal est limité, a fait les frais de la navette parlementaire, laissant présager un futur bras de fer en commission mixte paritaire sur ce sujet sensible. Damien Pichereau a défendu sa suppression, tout en appelant la ministre à clarifier sa position sur le financement des autorités organisatrices, en particulier pour les territoires peu denses où les transports collectifs ne sont pas adaptés. Le gouvernement s’est engagé à traiter cette question dans le cadre de la prochaine loi de finances. Sachant qu’Elisabeth Borne plaide pour une solution à la fois « raisonnable » et « simple pour les employeurs comme pour les collectivités » en s’appuyant sur un dispositif fiscal existant. L’une des hypothèses de travail est d’asseoir cette ressource complémentaire sur la cotisation foncière des entreprises (CFE), en autorisant les intercommunalités à la faire évoluer plus facilement. Cette possibilité pourrait être accordée sur plusieurs années, « pour permettre d’accompagner la montée en compétence des communautés de communes et le déploiement progressif des services de mobilité ».

Rôle de chef de file de la région et bassins de mobilité – article 4

À l’article 4, l’Assemblée a apporté quelques modifications essentiellement techniques.
Un amendement de Damien Pichereau ajoute aux principales missions des AOM l’organisation des différentes formes de mobilité et l’intermodalité en matière de répartition territoriale des points de vente physiques (guichets). Le député a également proposé d’introduire dans le dispositif destiné à favoriser une meilleure utilisation des locaux en gares restés vacants la possibilité de demander des informations à l’affectataire des locaux, c’est-à-dire au gestionnaire des gares de voyageurs, quant à l’état et à l’utilisation envisagée de ces locaux. L’amendement inverse en outre l’ordre des alinéas, pour permettre à une commune ou un EPCI de demander d’abord au gestionnaire des gares des informations sur les locaux concernés, puis éventuellement de lui proposer une convention de mise à disposition.
Au terme de quatre amendements identiques (Libertés et territoires, UDI, LR, et de la rapporteure Monica Michel), le texte prévoit que, sauf accord formel de son assemblée délibérante, le territoire d’un EPCI à fiscalité propre ne peut être découpé entre plusieurs bassins de mobilité. En revanche, dans certaines situations et contextes territoriaux, un bassin de mobilité pourra recouvrir le périmètre de plusieurs EPCI. Un autre amendement porté par le rapporteur pour avis de la commission des lois, Guillaume Vuilletet, prévoit la possibilité de définir les bassins de mobilité dans le cadre des coopérations interrégionales, lorsque l’importance des mobilités de part et d’autre de leurs limites administratives le justifie.

Plans de mobilité – article 5

Concernant les plans de mobilité (qui succèdent aux plans de déplacements urbains-PDU), les députés ont là aussi complété la liste des objectifs assignés à ces documents de planification par « la prise en compte des nuisances sonores ». Un amendement LR vise à garantir que les Plu ou Plui conserveront à leur niveau la maîtrise de l’établissement urbain et ne pourront pas se retrouver sanctionnés pour ne pas avoir respecté le plan de mobilité. Il s’agit de garantir que le plan de mobilité, comme c’est le cas actuellement des PDU, fasse l’objet d’une simple prise en compte.
L’Assemblée acte en revanche la suppression de l’obligation faite aux établissements scolaires d’élaborer un plan de mobilité scolaire. « La mise en place d’expérimentations de décalage des horaires d’entrée et de sortie des établissements scolaires est possible sans nécessité de recourir à un cadre légal dérogatoire », a justifié la ministre.
Un amendement de la députée LREM Laurence Maillart-Méhaignerie (contre l’avis du gouvernement) prévoit que le plan mobilité inclut des outils d’informations à destination des piétons et des cyclistes, notamment de signalétique. Le plan de mobilité comporte déjà un volet relatif aux itinéraires cyclables et piétons et peut intégrer un schéma de desserte ferroviaire ou fluviale. En séance, à l’initiative du rapporteur, ces deux dispositions ont en outre été étendues au plan de mobilité d’Île-de-France. Le texte décline aussi dans la région Île-de-France les dispositions de l’article L. 1214 23 2 du code des transports qui permet, dans les autres régions, d’utiliser une procédure de révision simplifiée pour adapter le volet « circulation et stationnement » du plan de mobilité.
Un autre amendement défendu par le socialiste Alain David, afin de favoriser la multimodalité, prévoit que le schéma de desserte fluviale ou ferroviaire identifie les emplacements possibles pour les différents modes d’avitaillement. Le député LR,
Gérard Menuel, est quant à lui à l’origine d’une disposition – sous amendée par la rapporteure Zivka Park – précisant que lorsque le périmètre du plan mobilité comprend tout ou partie de l’emprise d’un aérodrome, les EPCI ou les syndicats mixtes compétents pour élaborer les PDU limitrophes sont consultés à leur demande sur les projets. Un dernier amendement -issu du rapport de Laurence Gayte (LREM) sur l’amélioration de la sécurisation des passages à niveau, remis le 12 avril dernier – intègre dans les Plu, une analyse des flux de circulation prévisibles appelés à franchir les passages à niveau, en ciblant les territoires qui sont en dehors du champ d’application d’un plan de mobilité.

Mobilité solidaire – article 6

Après l’article 6 sur la mobilité solidaire, la députée LR, Valérie Lacroute, a défendu en vain une proposition de Valérie Pécresse, visant à permettre aux AOM d’exclure les étrangers en situation irrégulière du bénéfice des réductions tarifaires dans les transports. Pour rappel, cette position que la présidente de la région Ile-de-France avait fait adopter en 2016 pour sa région, avait été annulée en justice. Une base légale lui était donc nécessaire pour supprimer à nouveau cette tarification sociale applicable aux étrangers en situation irrégulière bénéficiaires de l’aide médicale de l’Etat (AME).
L’amendement UDI soutenu dans les rangs LFI, PC, Modem, Libertés et territoires, imposant aux AOM de prononcer la gratuité des transports de service public en cas d’épisode de pollution a lui aussi été rejeté.

Mobilité des personnes handicapées – article 7

En ce qui concerne l’accessibilité des transports aux personnes handicapées ou à mobilité réduite, les députés n’ont modifié qu’à la marge le texte, notamment en décidant que les réductions tarifaires en faveur des accompagnateurs des personnes handicapées pourront aller jusqu’à la gratuité.
Damien Pichereau a proposé -à travers un article additionnel après l’article 7- d’assouplir certaines caractéristiques sur les voitures des VTC adaptés au transport de personnes à mobilité réduite.

Mobilité outre-mer – article additionnel après article 8 bis

Pour clore l’examen du titre Ier, un article additionnel – porté par Justine Bénin (Modem) – prévoit enfin que dans les territoires d’outre-mer composés de plusieurs îles, les régions mettent en place « une politique de continuité territoriale inter-île ou inter-rade ».

Plusieurs dispositions du titre Ier ont été adoptées sans faire l’objet de modification notable. C’est le cas des articles 1er bis a (restrictions de circulation sur les îles mono-communales), 1er bis b (inscription de la mobilité active et de la lutte contre la sédentarité dans les grands objectifs de l’organisation des mobilités), 1er bis (possibilité pour Île-de-France Mobilités d’avoir recours à la déclaration de projet), 3 (habilitation à légiférer par ordonnance pour créer un établissement public qui se substituera au Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise-SYTRAL), 6 (mobilité solidaire), 7 bis (mise en œuvre des schémas directeurs d’accessibilité-agenda d’accessibilité programmée), 8 (modalités d’application des dispositions du titre Ier en outre-mer), 8 bis (continuité territoriale : atténuation des contraintes de l’insularité et de l’éloignement).

Les 80 km/h sur les routes départementales assouplis

C’était un des détonateurs de la crise des gilets jaunes : l’Assemblée nationale a voté jeudi soir un assouplissement des 80 km/h sur certaines routes secondaires, en laissant la responsabilité aux départements et aux maires d’adapter la vitesse. Au terme d’un débat nourri, les députés ont adopté à main levée l’article 15 bis B du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) qui prévoit de permettre aux présidents de conseils départementaux de déroger à la limitation. Ils ont élargi la compétence aux maires, via un amendement LREM.
L’abaissement de la vitesse de 90 à 80 km/h, concernant environ 400.000 kilomètres de routes, avait été décidée par le Premier ministre, Édouard Philippe, et appliquée au 1er juillet 2018. Il s’agissait de sauver « 300 à 400 vies par an » après une recrudescence de la mortalité routière entre 2014 et 2016, suivie d’une baisse en 2017. Mais devant le tollé soulevé chez des automobilistes, motards et élus, le chef du gouvernement a fait machine arrière mi-mai, ouvrant la voie à un compromis lors de l’examen du projet de LOM. Et ce, alors même que l’année 2018 s’était achevée sur un plus-bas historique, avec 3.259 morts sur les routes. Pour Édouard Philippe, « si les présidents de conseils départementaux souhaitent prendre leurs responsabilités, je n’y vois aucun inconvénient ». En fixant toutefois une condition : que ce pouvoir soit « systématiquement assorti de mesures » garantissant « le plus haut niveau de sécurité routière possible ».
Les députés LREM ont d’abord choisi de réserver cette compétence aux présidents de département, par un premier vote en commission. Le Sénat, qui avait examiné le projet de loi auparavant, avait donné ce pouvoir également aux préfets. Via un amendement LREM, la compétence a été élargie jeudi soir aux maires et les députés ont précisé que l’arrêté devra être pris « après avis de la commission départementale de la sécurité routière, sur la base d’une étude d’accidentalité portant sur les sections de routes concernées ».
Les élus d’opposition – LR en tête -, sont à nouveau montés au créneau contre les 80 km/h, une « connerie » et le « symbole d’une France à deux vitesses » qui a été le « détonateur des longues semaines de crise ». Mobilisés en nombre, les députés LR ont reproché à l’assouplissement d' »oublier les routes nationales », sous autorité de l’Etat. Ils ont aussi relayé la demande des présidents de département de pouvoir solliciter l’avis du préfet, avant de prendre une décision. Pour l’élu du Cantal Vincent Descoeur, le « pas de recul » du Premier ministre est ainsi un « trompe-l’oeil », son collègue du Jura Jean-Marie Sermier jugeant « pas tolérable » que l’État ne prenne pas « ses responsabilités ».
« Nous souhaitons faire confiance aux élus », leur a répondu la ministre des Transports, Élisabeth Borne, mais pour les routes nationales, « les préfets ne dérogent pas aux décisions du Premier ministre ». « Il s’agit de sauver des vies », a-t-elle rappelé, notant qu' »au cours du deuxième semestre 2018, ce sont 127 vies qui ont été épargnées grâce à la décision sur les 80 km/h », des chiffres laissant dubitatif côté LR. 
La ministre a eu l’appui de députés LREM, Pascale Boyer racontant notamment avec émotion comment son fils a échappé à la mort il y deux jours après « quatre tonneaux » sur une route à 80 km/h. Sans cette vitesse réduite, « je ne serais pas dans l’hémicycle ce soir et je serais en train de pleurer mon fils », a-t-elle lancé. La vitesse excessive est la première cause de mortalité sur les routes de France, selon la Sécurité routière.
« Il ne faut pas renvoyer la patate chaude aux maires », a plaidé le communiste Sébastien Jumel. D’autant qu’une incertitude juridique régnerait concernant la responsabilité pénale des élus en cas d’accident. Pour Jean-Paul Lecoq (PCF), cela ressemble « à un piège ». L’ancien « marcheur » François-Michel Lambert (Liberté et territoires) estime quant à lui qu' »il ne faut pas toucher aux 80 km/h »: « revenir en arrière, c’est la certitude d’avoir des morts ».
AFP

Partager l'article