Dotations et fiscalité : le PLF 2020 présenté au comité des finances locales

Le gouvernement a présenté, ce jeudi 26 septembre devant le comité des finances locales, les principales dispositions du projet de budget pour 2020 relatives aux finances des collectivités. La réforme de la fiscalité locale et la fixation des montants des dotations y figurent naturellement en bonne place. Mais le projet de loi de finances recèle aussi son lot de mesures inattendues. Comme le choix du gouvernement de faire en sorte que les bases d’imposition locales ne bénéficient d’aucun coup de pouce l’an prochain.

C’est une nouveauté détonante pour les collectivités territoriales que recèlerait le projet de budget pour 2020. Contrairement aux années précédentes, les bases d’imposition ne seraient pas revalorisées du montant de l’inflation, ce qui devrait priver les collectivités de plusieurs centaines de millions d’euros. Le gouvernement n’en avait rien dit jusqu’à présent. La ministre de la Cohésion des territoires et le ministre de l’Action et des Comptes publics ont levé un coin du voile sur la mesure ce jeudi 26 septembre au matin en présentant aux membres du comité des finances locales (CFL) le volet du projet de loi de finances concernant le secteur public local.

« Après deux heures d’échanges (…), nous a été annoncée au détour d’une phrase (…) la suppression de la revalorisation forfaitaire des bases d’imposition », a indiqué à la presse le président de l’organisme, André Laignel, peu après la réunion. La mesure serait justifiée par des raisons techniques. « Il faudrait geler pour pouvoir voir clair dans la réforme de la suppression de la taxe d’habitation », a rapporté André Laignel.

Sur la forme, « c’est une manœuvre qui ne vise qu’à atténuer le futur remboursement de la taxe d’habitation », a jugé le maire PS d’Issoudun. Sur le fond, cette nouvelle va « mettre en difficulté beaucoup de nos collègues » élus locaux, a-t-il dit. En préparant les budgets de leurs collectivités pour 2020, ceux-ci ont naturellement intégré l’inflation dans l’évolution des bases d’imposition (depuis la loi de finances pour 2018, la revalorisation forfaitaire n’est plus fixée par amendement parlementaire). C’est sur cette donnée synonyme de croissance de leurs recettes fiscales qu’ils auraient à faire une croix. « C’est donc un coup très dur qui est porté aux finances locales de nos collectivités », a conclu le président du CFL. Mais, faisant un parallèle avec « la volonté de supprimer les avantages pour les personnes de plus de soixante-dix ans », il a dit espérer que « cela connaîtra le même sort, c’est-à-dire que ça disparaîtra dans le débat ».

Dotations de péréquation en hausse

S’agissant des concours financiers aux collectivités locales, le projet de budget pour 2020 ne comporte pas de grandes surprises (voir ci-dessous le tableau détaillé à télécharger). Les transferts financiers de l’Etat (qui comprennent les prélèvements sur recettes, les dotations de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et la part de TVA attribuée aux régions) s’élèvent à 49 milliards d’euros.

Principale composante de l’enveloppe, la dotation globale de fonctionnement (DGF) est quasi-stable (près de 27 milliards d’euros). Du fait de la nette reprise de l’investissement public local ces deux dernières années, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) croît de 350 millions d’euros (+6%) pour atteindre 6 milliards d’euros. Quant aux dotations de l’Etat en faveur de l’investissement, elles demeurent aux montants fixés l’an dernier (notamment plus de 1 milliard d’euros pour la dotation d’équipement des territoires ruraux, DETR).

Côté péréquation, les choix effectués dans le budget 2019 sont reconduits : les dotations de solidarité urbaine et rurale (DSU et DSR) augmentent chacune de 90 millions d’euros. On notera également l’abondement de 10 millions d’euros en faveur de la « dotation élu local » (de 65 millions en 2019 à 75 millions en 2020). Il s’agit de financer les mesures du projet de loi « Engagement et proximité » qui vont bénéficier aux petites communes. Un geste qui sera certainement salué par les élus locaux. Mais qui ne leur fera sans doute pas oublier la nouvelle réduction des « variables d’ajustement ». Une opération qui pour la première fois passera par une amputation de la compensation de la réforme du versement transport. Cette ressource allouée au bloc communal doit baisser quasiment de moitié (de 91 millions en 2019 à 48 millions en 2020). France urbaine évoque « une ponction qui n’est pas acceptable ». De leur côté, les régions vont devoir renoncer à 55 millions d’euros de dotations, dont 35 millions d’euros au titre de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP). Face à la probable grogne des élus locaux, le gouvernement répondra certainement que le montant de la minoration des variables d’ajustement (120 millions) est l’un des plus faibles de ces dernières années (159 millions en 2018 et 293 millions en 2017).

Réforme de la fiscalité locale : pas de surprises

Au-delà des concours financiers, le projet de loi de finances contient quelques mesures techniques concernant les finances locales. La réforme de la gestion du FCTVA (son « automatisation ») est ainsi une nouvelle fois repoussée d’un an pour des raisons techniques. En outre, il est prévu de réécrire les dispositions aujourd’hui en vigueur permettant d’instaurer dans les intercommunalités (sous réserve d’un vote à l’unanimité) une « DGF locale », c’est-à-dire le transfert de la responsabilité de la répartition des dotations communales à l’intercommunalité. La rédaction actuelle de ces dispositions mises en œuvre par aucun territoire ne serait « pas efficiente », selon un expert bien informé.

Lourde de conséquences pour les collectivités, la réforme de la fiscalité locale ne comporterait pas de surprises à ce stade.  Le CFL a seulement obtenu de menues précisions. Il a par exemple été confirmé que les petites communes surcompensées pourront conserver un surplus maximum de 10.000 euros de recettes de taxe foncière, alors qu’initialement un montant de 15.000 euros avait été annoncé.

Le dossier de présentation du PLF remis à la presse quelques heures plus tard à Bercy en rappelle les grandes lignes. Du point de vue des ménages, il est rappelé que « 80% des foyers ne paieront plus aucune taxe d’habitation sur leur résidence principale dès 2020 » tandis que « pour les 20% des ménages restants, la suppression se déploiera jusqu’en 2023 » et que « la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et sur les logements vacants sera maintenue ».

Du point de vue des collectivités, le schéma connu depuis plusieurs mois est bien confirmé : transfert aux communes « dès le 1er janvier 2021 » de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties ; compensation aux communes, par l’Etat, de « la différence entre la recette de taxe d’habitation supprimée et la ressource de taxe foncière départementale transférée » avec activation d’un « mécanisme correcteur »  afin de « neutraliser les écarts de compensation » ; affectation aux intercommunalités et aux départements d’une fraction de TVA ». Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, a indiqué à la presse que son collègue Olivier Dussopt sera chargé de présenter aux parlementaires le détail du dispositif de compensation. Enfin, Bercy précise que la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation va faire l’objet de « travaux préparatoires »… mais ne « produira ses premiers effets » qu' »à partir de 2026″.

Au sujet de cette réforme, le président du CFL a déploré qu’elle ne fasse pas l’objet d’une loi spécifique, ce qui était une demande des associations d’élus locaux. Celles-ci n’ont obtenu aucune simulation à ce jour, a-t-il également regretté. Il a estimé qu’au final « on propose aux parlementaires d’acheter un lièvre dans un sac ».  Selon André Laignel, l’ensemble des membres du CFL, quelle que soit leur collectivité d’appartenance, auraient en outre défendu devant les ministres la solution consistant à maintenir le dégrèvement de la taxe d’habitation. Une option que le comité porte depuis un an, mais qui n’a jamais convaincu le gouvernement.

 

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