Biodiversité : les espaces naturels, ce point sensible des Départements

Entre les régions chefs de file en matière de préservation de la biodiversité, les communes dotées de compétences qui leur sont propres et les intercommunalités qui cherchent leur place, les départements ont de longue date trouvé la leur avec la protection des espaces naturels sensibles (ENS). Comment renforcer cette politique ? Quels obstacles et quelles marges de progrès ? Le point sur cet enjeu qui figurait au programme du congrès de l’Assemblée des départements de France (ADF), prévu début novembre mais qui vient d’être ajourné.

Tantôt chahutée lors de débats sur divers projets de loi, la politique en matière d’espaces naturels sensibles (ENS) reposant sur de l’intervention foncière mériterait d’être valorisée et pérennisée. D’où ces piqûres de rappel de l’Assemblée des départements de France (ADF) à travers des motions défendues lors des assises nationales de la biodiversité, qui se sont tenues en début de mois à Massy (Essonne). Il devait aussi en être question lors du congrès de l’ADF, prévu du 4 au 6 novembre à La Rochelle mais qui vient d’être ajourné en raison de la situation épidémique du pays.

Dans leur dernière motion, les départements rappellent qu’ils prennent part à l’élaboration de la stratégie nationale des aires protégées (SAP) 2020-2030. Portée par le ministère de la Transition écologique et finalisée en fin d’année, deux de ses cibles en discussion visent à rendre accessible gratuitement à tous les Français un espace naturel et d’offrir à tout jeune sur l’ensemble de son parcours scolaire un mois en tout de découverte nature. « L’accès des scolaires étant au centre des politiques ENS, ces dernières sont bien placées pour répondre s’il est validé à un tel objectif », soulignait lors d’un atelier aux assises Laurent Germain, de l’Office français de la biodiversité (OFB).

Atouts et marges de progrès

« Le point fort d’une politique ENS, qui diffère selon chaque département – d’où l’idée d’un cadre de référence commun, d’une charte nationale à réactualiser en 2021 – est de donner envie aux habitants de préserver la biodiversité, de donner à voir en ouvrant ces espaces au public. En cela, c’est un super outil pour sortir d’une vision punitive de l’écologie », motive Valérie Nouvel, vice-présidente du département de la Manche, et représentante de l’ADF sur cet enjeu auprès de diverses instances nationales.

En recréant du lien entre les populations locales et la nature, les politiques ENS ont par ailleurs un volet social. En Ille-et-Vilaine, le département s’appuie sur ses ENS pour accompagner des employés en insertion. Ailleurs, les prestations d’entretien de ces espaces sont souvent réalisées par des entreprises d’insertion spécialistes du génie écologique. Les ENS sont support de médiation et se prêtent de plus en plus à des expérimentations notamment culturelles ou qui sortent des sentiers battus. Dans la Manche, un département doté de 26 ENS, d’un schéma et d’un programme de visites et d’animations dans une vingtaine d’entre eux, des chantiers nature organisés sur les îles Chausey, dont une partie est préemptée au titre des ENS, sont destinés à des publics en difficulté ou des jeunes en institut médico-éducatif. Pour Valérie Nouvel, « ces passerelles entre action sociale et protection de la biodiversité restent un champ à explorer plus avant ».

Les valoriser et les financer

Une autre option explorée par certains départements pour non seulement préserver ces espaces mais aussi les valoriser auprès du public consiste à utiliser la labellisation, même si celle-ci ne relève alors pas du réglementaire et n’a aucun impact sur la propriété ni sur les usages pratiqués. « Dans l’Ain, outre un schéma départemental des ENS, nous avons créé un réseau de 38 sites labellisés qui s’étendent sur une centaine de communes, sont aux trois-quarts des zones humides et ce en partenariat étroit avec l’association du réseau des rivières sauvages, qui attribue elle-même un label », a illustré lors des assises Eléonore Samson, chargée de mission ENS dans ce département.

Côté financement, la taxe d’aménagement affectée aux espaces naturels sensibles (TAENS) qui finance cette politique de protection suffit-elle ? « Elle pourrait nous suffire mais ce que nous voulons, c’est d’arrêter qu’on lorgne sans cesse dessus et qu’on nous reproche de ne pas utiliser à plein cette ressource, dont la consommation dépend du rythme des acquisitions de terrains », défend Valérie Nouvel. Pour rester dans les clous des contrats financiers dits « de Cahors », des départements risquent de réduire la voilure sur leurs dépenses environnementales.

Entretenir et animer ces ENS mobilise essentiellement des dépenses de fonctionnement. Or au sein des finances départementales, tout n’est pas étanche et des vases communicants existent avec la progression continue des dépenses sociales. « Le risque en continuant ainsi serait de pénaliser la montée en puissance des ENS », insiste la représentante de l’ADF : « En sortant, puisqu’ils bénéficient d’une taxe qui leur est affectée, les ENS du dispositif de Cahors, et en excluant de l’objectif d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement celles faites au titre de la TAENS, la pérennité de l’ensemble serait plus assurée. »

 

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