Les ambitions contrariées des Départements

A l’approche des élections du mois de juin, les responsables de l’Assemblée des départements de France (ADF) ont tenu ce 28 avril à assurer la promotion de l’institution départementale. Celle qui était menacée de disparition sous le précédent quinquennat s’est montrée agile et efficace durant la crise sanitaire, ont-ils fait valoir. Son grand point fort serait sa proximité avec les citoyens. Pourtant, le projet de loi 4D annoncé par le gouvernement ne prévoit pas de renforcer significativement le département. L’ADF s’en désole.

« Il faut qu’on redécouvre en France la grande chance d’avoir des départements. » François Sauvadet, président du conseil départemental de la Côte-d’Or, ne tarit pas d’éloges à propos de la collectivité chère à son cœur. Intervenant le 28 avril dans le cadre d’une émission organisée par l’Assemblée des départements de France (ADF) et diffusée sur Public Sénat et les réseaux sociaux, l’élu a estimé que la crise sanitaire a démontré une nouvelle fois l’efficacité de l’institution départementale. Un exemple : il a suffi de 48 heures au département de la Côte-d’Or pour distribuer des masques à ses 530.000 habitants. La clé de ce succès tiendrait au maintien de services de proximité. Plus des trois quarts des quelque 2.800 agents de la collectivité « sont sur le terrain », souligne l’ancien ministre de la Fonction publique.

Fourniture de masques, interventions des services d’aide à domicile et des sapeurs-pompiers, mise en place de centres de vaccination, aides aux familles en difficulté… Les départements, échelons de proximité par essence, ont répondu présents, enchaîne Jean-Luc Gleyze, président du conseil départemental de la Gironde. La crise a ainsi « donné à voir » combien ils agissent dans le quotidien des Français. Une action « en proximité », dans la logique des « circuits courts » : voici ce que les citoyens attendent, complète le président du groupe de gauche de l’Assemblée des départements de France (ADF). « Small is beautifull ! », lâche-t-il. L’heure ne serait plus à la promotion des larges périmètres d’action (intercommunalités XXL, fusions de régions) voulus au moment de la réforme territoriale, acquiesce François Sauvadet.

« Réforme 4D pas à la hauteur »

Bien placés pour répondre à cette attente, les départements sont de nouveau en selle. Ils sont d’ailleurs bien mieux armés que l’Etat, lequel n’a eu de cesse de réduire ses services déconcentrés pour les regrouper à l’échelon régional, critique Dominique Bussereau. Le président de l’ADF défend aussi « la modernité » des départements. Les investissements massifs que ceux-ci engagent dans la fibre sur tous les territoires en seraient la preuve. En outre, avec l’élection pour la première fois en 2015 des binômes, l’institution départementale jusque-là peu ouverte aux femmes a atteint la parité hommes-femmes, souligne le président du département de la Charente-Maritime.

Mais – paradoxalement pour l’ADF – le projet de loi « 4D » (décentralisation, différenciation, déconcentration et diverses mesures de simplification de l’action publique locale), qui sera présenté le 12 mai en conseil des ministres, ne va guère conforter les départements. C’est « un projet petit bras, pas du tout à la hauteur du souffle décentralisateur » dont la France aurait besoin, regrette Jean-Luc Gleyze. D’autant que le gouvernement a renoncé à transférer les services de médecine scolaire aux départements – alors que l’accord signé entre l’ADF et le Premier ministre en décembre dernier prévoyait la mesure.

Les présidents de départements ne cachent pas leur déception. A la sortie de la crise des « gilets jaunes », ils avaient plaidé pour un véritable « new deal » territorial, dont le département devait être à l’avant-garde. Ils revendiquaient un rôle de véritable chef de file des politiques en faveur des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. En outre, une agence départementale des solidarités, placée sous le pilotage du conseil départemental, aurait rendu plus lisible et facile l’accès du public aux services sociaux. Il s’agissait aussi de muscler le département dans des domaines comme les aides aux territoires, l’environnement et les services numériques locaux. Ces propositions n’ont pas été reprises.

Finances fragilisées

Au-delà des nouveaux transferts de compétences de l’Etat, les présidents de départements attendent de l’exécutif qu’il cesse de leur donner des injonctions dans les champs d’intervention de leurs collectivités. Une pratique qui s’est traduite par exemple récemment par la demande de revalorisation salariale des personnels des services d’aide à domicile. Demande qui a été accompagnée d’une promesse de participation financière par l’Etat bien trop parcimonieuse, selon l’ADF.

On le sait, les contentieux entre les présidents de départements et l’Etat au sujet des finances ne sont pas nouveaux. La crise vient malheureusement les aggraver. Certaines populations jusque-là peu concernées par le RSA – telles que les travailleurs indépendants – pourraient venir grossir les rangs des bénéficiaires de l’allocation. De ce fait, les dépenses engagées par les départements dans le cadre du RSA, compensées seulement pour moitié par l’Etat, devraient connaître une vive croissance. Ceci explique une bonne partie de l’impact net de la crise sanitaire et économique sur les finances départementales, que l’ADF estime entre 1,6 et 1,8 milliard d’euros.

Afin qu’ils puissent poursuivre leurs missions et contribuer à la relance, les départements réclament notamment la compensation pour partie de l’augmentation des dépenses de RSA « dès le premier euro ». Ils souhaiteraient aussi l’instauration d’une clause de sauvegarde sur leurs finances à partir de 2022. Les départements soumis à de « fortes tensions » à la fois sur leurs recettes et leurs dépenses, y auraient droit. Un groupe de travail réunissant le gouvernement, le Parlement et l’ADF doit se réunir prochainement à ce sujet.

 

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