89ème Congrès de l’ADF dans le Cher : les Départements refusent l’impasse financière

Du 16 au 18 octobre 2019, plus de 800 personnes dont 78 Présidents se sont rendues dans le Département du Cher au cœur de la France pour le 89e Congrès de l’ADF. Des tables-rondes et des ateliers riches des initiatives conduites au quotidien par les Départements se sont succédés pendant ces trois jours (lire articles dédiés). Dans un contexte de réforme fiscale débattue au Parlement, les Départements ont marqué leur très vive opposition à ce projet. Alors que la ministre Jacqueline Gourault s’exprimait en clôture sans apporter d’ajustement à cette réforme, la très grande majorité des Présidents sont sortis de la salle en signe de protestation. 

 

Congrès ADF Bourges : Dominique Bussereau et Michel Autissier ©Thierry Martrou

« C’est un Congrès où nous exprimons des attentes », a posé dès l’ouverture Dominique Bussereau, Président de l’ADF, suivi sur ce point par Michel Autissier, Président du Cher, qui a exprimé le souhait que « ce 89ème Congrès des Départements de France soit placé dans l’espoir d’une vision en 3D, associant Décentralisation, Différenciation et Déconcentration ». Dans le contexte de la réforme fiscale contenue dans le projet de loi de finances pour 2020, les Présidents n’ont pas masqué leur profond mécontentement. « On nous enlève tout simplement l’autonomie financière ! », a réagi Dominique Bussereau. Or, a-t-il illustré par un exemple « c’est bien cette possibilité de lever l’impôt qui a permis aux Départements par le passé de faire face à des situations d’urgence telles que les inondations dans l’Aude ou la tempête Xynthia ». « Nous sommes très en colère », a d’ailleurs exprimé André Viola, Président de l’Aude et du groupe de gauche de l’ADF.

« C’est la dévitalisation qui nous attend si nous ne réagissons pas »

Dans une motion votée à la quasi unanimité, moins 1 abstention, le 18 octobre, les Départements ont refusé ce projet de réforme fiscale qui les prive de leur pouvoir de taux, regrettant « vivement » que le gouvernement ait rejeté leur demande de déplafonnement des droits de mutation à titre onéreux. En accord avec leurs collègues, dans une déclaration complémentaire, les 23 Départements les plus ruraux se sont opposés à ce que le fonds de surcompensation de 250 millions d’euros – dont 115 millions issus de l’ancien fonds de stabilisation –, destiné prioritairement aux Départements les plus en difficulté, ne serve de « caution pour faire renoncer l’ensemble des Départements à leur autonomie fiscale ».

« Par ailleurs », et c’est le deuxième point de la motion générale, « la dette de l’Etat à l’égard des Départements, reste entière » sur les allocations individuelles de solidarité – 9 milliards d’euros – et les mineurs non accompagnés – 2 milliards. En matière de péréquation, avec le fonds de solidarité de 1,6 milliard d’euros mis en place par les Départements, « nous avons fait notre part du travail, vous n’avez pas fait la vôtre », a considéré André Viola, s’adressant à Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Alors que la ministre n’annonçait dans son discours de clôture aucun ajustement au schéma d’ensemble, la très grande majorité des présidents de Départements ont quitté la salle en signe de protestation.

« On nous met dans une forme d’impasse », avait auparavant dénoncé François Sauvadet, Président du Département de la Côte-d’Or et du groupe de la Droite, du Centre et des Indépendants (DCI) de l’ADF. « La dépense obligatoire ne baissera pas, tout le monde le sait, elle continuera à croître quels que soient nos efforts d’efficience », a-t-il poursuivi. Or, le gouvernement souhaite le plafonnement des dépenses, quand bien même les collectivités n’ont pas tous les leviers de décision. Dans leur motion, les Départements demandent donc à l’exécutif de « revoir la lettre et l’esprit du pacte de Cahors », n’envisageant pas d’avancer dans la « contractualisation des politiques sociales départementales si les dépenses nouvelles induites ne sont pas exclues de ces pactes ».

 

Les Départements pour une « vraie et franche décentralisation »

Gérard Larcher ©Thierry Martrou

Prenant acte de cette « ambiance morose », ce qui pour les Départements est un euphémisme, Jacqueline Gourault a tenté de rassurer les Départements : « une fraction de TVA, c’est tout l’inverse d’une dotation, c’est un apport pérenne ». Les élus craignent toutefois les inévitables retournements de conjoncture, où la diminution de cette nouvelle recette qu’on leur impose interviendrait au moment même où les dépenses sociales explosent.

La ministre a par ailleurs évoqué les travaux de concertation à venir sur le projet de loi « 3D » (décentralisation, différenciation et déconcentration), confirmant sa volonté d’avancer sur la « dévolution du pouvoir réglementaire aux collectivités dans les champs de compétence qui sont les leurs ».

Pour que la décentralisation ne soit pas une « décentralisation placebo » mais une « vraie et franche décentralisation », l’Etat « doit sortir des missions de la vie quotidienne pour lesquelles il n’est pas bon, n’a pas de moyens et dans lesquelles sa présence n’est plus nécessaire », avait exprimé la veille Dominique Bussereau. Cela passe par exemple par le transfert aux Départements des gestionnaires des collèges qui, aujourd’hui, « restent des personnels de l’État alors qu’ils gèrent notre argent et exercent une position hiérarchique sur nos personnels », a-t-il illustré. Une évolution qui ne serait, hélas, pas à l’ordre du jour, selon le ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse Jean-Michel Blanquer qui intervenait lui aussi à Bourges le 18 octobre.

Dans ce chantier autour de la décentralisation, les Départements et les autres collectivités pourront compter sur le solide soutien du Président du Sénat pour « défendre les libertés locales ». « Face à la ‘modestie’ des réponses et des propositions de l’exécutif, je suis venu vous dire de ne pas céder à la résignation », a-t-il déclaré le 17 octobre en ouverture du congrès. « Le Département, par ses compétences, parce qu’il est le pivot des politiques territoriales, est (…) plus nécessaire que jamais dans le paysage nouveau que constituent les grandes régions », a affirmé Gérard Larcher. Avant d’inviter les Présidents de Territoires Unis à « écrire ensemble cette nouvelle page de la décentralisation ».

 

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