Réforme de la fonction publique : le point après le vote à l’Assemblée nationale

L’Assemblée nationale a adopté en première lecture, ce 28 mai, le projet de loi de transformation de la fonction publique. Au cours de la cinquantaine d’heures de débats qui se sont déroulés entre le 13 et le 21 mai, les députés ont adopté 101 amendements. Au final, le texte a recueilli 351 voix, soit celles des seuls députés LREM-MoDem. Les trois groupes de gauche, tout comme LR, ont voté contre (156 voix contre), tandis que l’UDI-Agir ainsi que Libertés et Territoires se sont majoritairement abstenus (53 abstentions). Le point sur les dispositions nouvelles qui concernent la fonction publique territoriale.

DIALOGUE SOCIAL
– Le comité social d’administration qui naîtra de la fusion du comité technique et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) aura des compétences élargies aux « questions relatives à l’accessibilité des services et à la qualité du service rendu à l’usager », ainsi qu’aux « enjeux liés à la déconnexion ». Cette dernière précision a été acceptée par la rapporteure, Emilie Chalas et le gouvernement. Au nom de la continuité du service public, ils ont en revanche opposé une fin de non-recevoir à l’instauration d’un véritable droit à la déconnexion dans la fonction publique. Leur avis a été suivi par la majorité.
– Les députés ont abaissé de 300 à 200 agents le seuil à partir duquel une formation spécialisée en santé et sécurité devra être créée au sein du comité social territorial (nom de la nouvelle instance unique de dialogue dans la fonction publique territoriale). Ce sont ainsi, non pas un millier, mais 2.000 collectivités territoriales qui devront se doter de cette formation spécialisée.

CONTRACTUELS
– À partir de 2021, les employeurs publics devront allouer une prime de précarité aux agents contractuels embauchés pour moins d’un an et percevant une rémunération inférieure à un plafond qui pourrait être de deux Smic. La prime pourrait atteindre 10 % de la rémunération totale perçue. Les emplois saisonniers seront exclus du dispositif.
– Le contrat de projet concernera seulement les agents des catégories A et B (ceux de la catégorie C ne seront pas concernés).
– Lorsqu’un agent victime d’un accident de travail, d’un accident de trajet ou d’une maladie professionnelle bénéficiera du congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) créé par ordonnance début 2017, il pourra être remplacé par un agent contractuel. Les députés l’ont expressément précisé.

TRANSPARENCE ET DÉONTOLOGIE
– La loi « Le Pors » du 13 juillet 1983 doit être complétée afin de préciser que « les fonctionnaires ont pour missions de servir l’intérêt général, d’incarner les valeurs de la République et d’être acteur d’une société inclusive ». La modernisation du service public « ne se réalisera que si ceux qui la font vivre au quotidien – les agents publics – trouvent un sens à leur mission », a expliqué Cendra Motin (LREM) à l’origine de l’amendement.
– La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui sera fusionnée avec la commission de déontologie, fonctionnera finalement avec un seul collège – en commission, les députés en avaient prévu deux. Cet unique collège comprendra 13 membres – contre 9 actuellement. L’écart entre le nombre de femmes et d’hommes parmi l’ensemble des membres ne pourra être supérieur à un.
– Les avis émis par la Haute Autorité seront publiés dans un certain nombre de cas (départ vers le secteur privé, création ou reprise d’entreprise, retour dans l’administration). Les agents concernés demeureront anonymes.
– Chaque année pendant trois ans, l’agent parti exercer une activité dans le secteur privé et dont la mobilité a fait l’objet d’un avis de la part de la HATVP devra adresser à cette dernière une attestation signée de sa part et de son employeur. En cas d’absence d’attestation, le procureur de la République et l’autorité dont relève l’agent seront informés. Il s’agit de renforcer le suivi des avis rendus par la Haute Autorité.
– Les référents déontologues de l’administration concernée par une demande d’avis de la HATVP auront la possibilité de siéger (sans voix délibérative) lors de l’examen de celle-ci.
– Le contenu du rapport annuel de la Haute Autorité devra comprendre un point statistique sur « les allers-retours » des fonctionnaires avec le secteur privé, phénomène dont l’ampleur est « aujourd’hui mal connue ».
– Les centres de gestion devront établir annuellement un bilan des activités menées dans le cadre de leur mission de référent déontologue. Ce bilan sera porté à la connaissance des comités sociaux territoriaux.
– Les agents contractuels de certains établissements, organismes ou autorités agissant dans le domaine sanitaire ou de la santé n’étaient pas concernés par l’application des dispositions sur le cumul d’activités introduites par la loi d’avril 2016 sur la déontologie, les droits et les obligations des fonctionnaires. Les députés sont revenus sur cette exception.
– Les départements ministériels, les établissements publics hospitaliers dotés d’un budget de plus de 200 millions d’euros, les régions, les départements, de même que les villes et les EPCI à fiscalité propre dont la taille dépasse 80.000 habitants devront publier chaque année, sur leur site Internet, « la somme des dix rémunérations les plus élevées des agents relevant de leur périmètre ». Les mêmes organismes devront aussi préciser « le nombre de femmes et d’hommes figurant parmi ces dix rémunérations les plus élevées. »
– Le rapport du gouvernement sur les hautes rémunérations dans la fonction publique, dont le principe a été adopté en commission, devra préciser « le montant médian » des rémunérations du 1 % des agents des trois fonctions publiques les mieux rémunérés (en plus du « montant moyen » qui était inscrit dans le texte adopté par la commission des lois).

FORMATION
– Pour les contrats d’apprentissage conclus après le 1er janvier 2020, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) devra verser aux centres de formation d’apprentis (CFA) une contribution fixée à 75 % des frais de formation des apprentis employés par les collectivités. La contribution sera établie dans une convention conclue entre le CNFPT, l’autorité territoriale et le centre de formation d’apprentis concerné.
– La possibilité pour les agents publics d’être dispensés de suivre une formation initiale est élargie. Les agents intégrant un nouveau cadre d’emplois seront ainsi dispensés de cette formation si leur expérience leur permet de répondre aux nouvelles exigences.

ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE ET PRÉVENTION DES DISCRIMINATIONS
– Les agents victimes d’un acte de discrimination pourront signaler celui-ci dans le cadre du dispositif de signalement et d’accompagnement que doivent mettre en place les employeurs publics pour leurs agents qui seraient victimes de violence, de sexisme, ou de harcèlement. Le dispositif devra offrir des garanties en matière de confidentialité et d’accessibilité (les exigences en la matière seront fixées par décret).
– Le critère de l’état de grossesse a été ajouté à la liste des critères de discrimination interdits.

TEMPS DE TRAVAIL
– Les règles relatives aux autorisations spéciales d’absence délivrées à l’occasion de certains événements familiaux, ou qui sont liées à la parentalité seront harmonisées entre les trois versants de la fonction publique et au sein de chacun d’eux. Un décret en Conseil d’État déterminera la liste de ces autorisations spéciales d’absences et leurs conditions d’octroi. Il précisera celles qui sont accordées de droit.

DIVERS
– Les fonctionnaires ayant la qualité de « proches aidants » disposeront d’une priorité de mutation, de détachement, d’intégration directe, ou de mise à disposition. Ils pourront ainsi se rapprocher plus facilement de la personne à qui ils viennent en aide.
– À l’initiative du gouvernement, les policiers municipaux verront leur engagement professionnel mieux reconnu. Si dans l’exercice de leurs fonctions, ils accomplissent « un acte de bravoure » et/ou s’ils sont grièvement blessés, ils bénéficieront d’un avancement de grade ou d’une promotion. Ces règles ne s’appliquaient jusque-là qu’à la police nationale.
– Afin d’empêcher une utilisation opportuniste de la rupture conventionnelle, l’agent ayant bénéficié du dispositif dans le cadre de l’expérimentation de cinq ans, ouverte par le projet de loi, sera tenu de rembourser la prime perçue, s’il revient dans son administration d’origine dans un délai de six ans.
– Le gouvernement aura deux ans pour créer par ordonnance la partie législative d’un code de la fonction publique, qui regroupera plus de 120 lois ou articles de lois et plus de 650 décrets ou articles de décrets. Cette codification s’effectuera à droit constant, sauf pour certaines dispositions concernant les fonctions publiques d’Etat et hospitalière.
– Les dispositions du projet de loi, le régime des sanctions disciplinaires de la fonction publique territoriale, ainsi que les dernières modifications concernant la disponibilité et le congé parental sont applicables sans délai aux agents de la Ville de Paris.
– La fusion des centres de gestion de la Guadeloupe, des Iles du Nord de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy sera possible en droit.

Soulignons que la plupart des amendements que les députés ont adoptés en commission, les 2 et 3 mai derniers, demeurent dans la petite loi adoptée ce 28 mai. Dans son édition du 6 mai, Localtis a recensé l’ensemble des dispositions adoptées à ce stade et ayant des conséquences sur la fonction publique territoriale.

Le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics fera un point sur l’avancement du projet de loi lors de la séance plénière du conseil commun de la fonction publique du 4 juin. Soit peu avant le début des travaux du Sénat. Ce dernier examinera le texte en commission à partir du 12 juin, et dans l’hémicycle à partir du 18 juin. Une seule lecture est prévue dans chaque chambre.

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