Prévention des risques chez les adolescents, les départements veulent s’inspirer de la Somme

Grossesses non désirées, addictions, isolement, ruptures familiales, décrochage scolaire… autant de risques auxquels sont confrontés les adolescents. De quels leviers disposent les départements pour prévenir ces risques et accompagner les jeunes en difficulté dans le cadre de leur politique de protection de l’enfance ? Un Atelier des départements de France a mis le projecteur le 3 juillet sur la stratégie de la Somme.

Quelle politique de prévention en faveur des adolescents les départements peuvent-ils mettre en œuvre ? Le 3 juillet à Amiens, une illustration en a été donnée par le département de la Somme à l’occasion du onzième Atelier des départements de France. « L’idée de ces ateliers, c’est de montrer ce que font les départements et de diffuser les bonnes idées », a expliqué à la presse Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des départements de France, qui se déplace à chaque atelier que l’ADF co-organise avec le département d’accueil. Il a cité l’exemple du salariat de médecins, une initiative présentée par la Saône-et-Loire lors d’un atelier et ayant inspiré depuis plusieurs autres départements soucieux de lutter contre la désertification médicale.

A la veille des Assises de la protection de l’enfance et des annonces du secrétaire d’Etat Adrien Taquet (voir notre article du 4 juillet 2019), l’enjeu de cet atelier picard était aussi de « démontrer comment les départements ont pris à bras le corps la protection de l’enfance », a estimé Laurent Somon, président du conseil départemental de la Somme. Il importe pour ce dernier de valoriser le volontarisme dont les départements peuvent faire preuve et les résultats qu’ils obtiennent, pour nuancer la représentation très sombre véhiculée notamment en janvier 2019 par un reportage de France 3 – dont la diffusion a été suivie de près par la nomination du secrétaire d’Etat. « La machine ASE ne maintient pas la chaîne de l’exclusion », a-t-il insisté.

Des résultats liés au maintien de « dispositifs de proximité »

Ainsi dans la Somme, « malgré une situation sociale plutôt dégradée par rapport aux moyennes nationales », avec notamment un taux de pauvreté de 17%, il a été possible d’obtenir « des résultats qui sont dans certains domaines plutôt satisfaisants », a souligné le président de département. Le taux de placement conforme à la moyenne nationale a été notamment présenté comme un élément de réussite, dans le contexte social de la Somme. Cela passe selon lui par « un service de PMI étoffé » et le maintien de « dispositifs de proximité » tels que deux maisons d’adolescents et des équipes de prévention spécialisée.

C’est dans le domaine de la prévention des grossesses non désirées chez des mineures que les résultats obtenus par le département de la Somme ont été particulièrement mis en avant. Cela a fait l’objet d’une première table ronde, en présence de plusieurs professionnelles du département et de partenaires. Dans la Somme, les centres de planification et d’éducation familiale (CPEF) sont rattachés au département, via la protection maternelle et infantile (PMI). Un choix qui a permis de « développer progressivement un maillage » de ce territoire rural où la population est très étalée, a expliqué Sophie Duménil, médecin référent de la protection de l’enfance.

Une forte diminution des grossesses chez les adolescentes

Dans les 18 CPEF du département, mais également dans des établissements scolaires et médico-sociaux, des entretiens individuels avec des conseillères conjugales et familiales, des consultations médicales et des animations collectives d’information relative à la santé sexuelle et affective ont ainsi eu pour effet de diminuer assez nettement le nombre de grossesses adolescentes. De 84 en 2004 puis 69 en 2008, ce nombre est passé à 22 en 2018, dont « aucune grossesse chez les adolescentes de moins de quinze ans ». Le taux d’IVG pour des mineures a également baissé de 15% en 2012 à 5% en 2018, la moyenne nationale étant de 10%. Des chiffres démontrant les effets d’ »une meilleure prévention en amont » couplée à la gratuité de la contraception, l’IVG et le dépistage pour les mineurs, a souligné le docteur Duménil.

Les grossesses adolescentes sont généralement plus à risques, parce qu’elles « arrivent souvent dans un contexte particulier », a témoigné Isabelle Gorlier, sage-femme de PMI. D’où la nécessité selon elle d’un « accompagnement global, médico-psychosocial », destiné à « diminuer les risques périnataux, prévenir la maltraitance et accompagner la jeune mère vers l’autonomie ». Ayant connaissance de toutes les déclarations de grossesse, le service de PMI propose systématiquement une visite aux mineures enceintes et s’attache à « faire le lien avec tous les partenaires », tels que l’association Agena gérant une maison maternelle accueillant une douzaine de jeunes mères et leurs enfants. Mère à 17 ans de jumeaux, une jeune femme vivant dans cette maison maternelle a témoigné des difficultés rencontrées et de l’aide qu’elle a pu recevoir pour trouver un mode de garde et reprendre une formation.

Le rôle de la prévention spécialisée en territoire rural et périurbain

Une table ronde consacrée au repérage et à l’accompagnement des jeunes en difficulté a par ailleurs été l’occasion d’insister sur le rôle de la prévention spécialisée en territoire rural ou périurbain. A Albert, commune de 10.000 habitants à 30 kilomètres d’Amiens, la coordinatrice de l’équipe de prévention spécialisée a expliqué à quel point la phase de diagnostic était importante pour adapter le dispositif à un « territoire très vaste », où les jeunes n’ont pas les mêmes habitudes qu’en ville. Avec comme priorités la mobilité et l’insertion professionnelle de ces jeunes, l’équipe de prévention spécialisée s’attache à être identifiée par les établissements scolaires et directement par les jeunes. L’idée : « faire partie du décor », nouer un lien avec les adolescents les plus fragiles et pouvoir ainsi effectuer de façon réactive le lien avec certains partenaires – la communauté de communes pour l’aide au permis, par exemple – lorsque l’occasion se présente. Dans le cadre de sa prochaine convention avec l’Etat sur le plan Pauvreté, le département de la Somme espère obtenir des moyens pour implanter une équipe de prévention spécialisée à Abbeville.

Inégaux devant des défis tels que les MNA, les départements votent un fonds de solidarité de 1,6 milliard d’euros

Une dernière séquence a été dédiée au « partenariat au service de l’insertion professionnelle des jeunes sortants de l’ASE », puisque le département de la Somme met en place des contrats jeunes majeurs pour quelque 150 sortants de l’aide sociale à l’enfance. L’occasion pour la Fondation d’Auteuil et France terre d’asile de présenter des partenariats avec des entreprises autour de l’insertion professionnelle de ces jeunes. Avec un fort taux d’insertion à la clé, France terre d’asile oriente des mineurs non accompagnés (MNA) ou jeunes majeurs étrangers vers des formations en apprentissage dans des secteurs en tension.

Contrats jeunes majeurs et MNA : deux sujets sur lesquels les départements attendent toujours des réponses de la part de l’Etat. « Le plan pauvreté du gouvernement permet dans mon département de Charente-Maritime de prendre en charge deux jeunes majeurs supplémentaires, a illustré Dominique Bussereau. On est loin des objectifs du gouvernement. » Quant aux MNA, leur prise en charge coûte désormais 2 milliards d’euros aux départements, après 50 millions d’euros en 2012. Cela représente désormais 11 millions d’euros pour 300 MNA dans le département de la Somme, après 3 millions en 2016. L’évolution étant exponentielle mais variable d’un département à l’autre, et la dynamique des recettes étant inégale de la même manière, l’ADF a récemment voté un fonds de solidarité entre départements d’1,6 milliard d’euros qui devra être approuvé en projet de loi de finances. De quoi redonner un peu d’oxygène aux départements les plus pauvres, notamment ceux qui comme la Somme s’attachent à préserver des moyens en faveur de la prévention.

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