PLFSS et mesures Autonomie : les départements n’apprécient pas la méthode, les professionnels sont partagés

Frédéric Bierry, vice-président de l’Assemblée des départements de France (ADF) en charge des questions sociales, regrette que les annonces de Jean Castex concernant l’aide à domicile et les Ehpad, inscrites dans le PLFSS pour 2022, n’aient pas fait l’objet d’une concertation préalable. Du côté des professionnels de la prise en charge de la perte d’autonomie, ces annonces ont été saluées par le secteur privé. Les représentants du secteur public ou privé à but non lucratif sont plus réservés.

Le 23 septembre, le Premier ministre annonçait un ensemble de mesures relatives à la prévention et à la prise en charge de la perte d’autonomie (voir notre article du même jour), intégrées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022, présenté le lendemain (voir notre article du 24 septembre 2021). Ces mesures, qui complètent la mise en place de la cinquième branche de la sécurité sociale consacrée à l’autonomie – pleinement opérationnelle à partir de 2024 –, remplacent aussi le projet de loi dédié, annoncé et reporté à plusieurs reprises, avant d’être finalement officiellement abandonné (voir notre article du 10 septembre 2021).

« Des annonces sans concertation préalable avec les départements »

Premiers concernés, avec l’assurance maladie et la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie), par la prise en charge de la perte d’autonomie, les départements ont aussitôt réagi. Dans un communiqué du 24 septembre, émanant de la Collectivité européenne d’Alsace qu’il préside, Frédéric Bierry, qui est aussi vice-président de l’Assemblée des départements de France (ADF) en charge des questions sociales, a vivement réagi face à « des annonces sans concertation préalable avec les départements ». Ces derniers « regrettent un manque de concertation sur des mesures qu’ils découvrent tardivement, alors que certaines d’entre elles les concernent au premier chef ».
La remarque vise notamment l’instauration d’un tarif plancher national pour le financement de l’aide à domicile via l’APA (allocation personnalisée d’autonomie), fixé par le PLFSS à 22 euros de l’heure dans tous les départements. Outre la méthode employée, les départements s’inquiètent de « l’incertitude sur la pérennisation du financement, qui devra donc être reconduit chaque année ». Frédéric Bierry relève au passage que « la même méthode avait prévalu pour le relèvement des grilles salariales de l’aide à domicile, dont l’impact financier pèsera pour l’essentiel sur les départements », ce qui fait toutefois abstraction de l’aide annuelle de 200 millions d’euros versée par la CNSA (voir notre article du 8 septembre 2021).
Enfin, le communiqué ne manque pas de rappeler que « les départements attendaient une grande réforme à la mesure des enjeux du grand âge et de l’autonomie, et se trouvent face à un nouveau rendez-vous manqué même si un premier effort a été annoncé hier par le gouvernement ».

Des réactions franchement positives du côté du privé…

Du côté des professionnels de la prise en charge de la perte d’autonomie, les réactions portent moins sur la méthode, mais apparaissent néanmoins partagées. Elles sont franchement positives du côté du secteur privé. Ainsi, dans un communiqué du 23 septembre, le Synerpa (Ehpad, résidences services seniors et services d’aide à domicile de statut privé) évoque « une avancée déterminante » et salue « un tournant dans les politiques publiques en faveur du grand âge, avec une reconnaissance qui était très attendue du secteur de l’aide a? domicile. L’instauration d’un tarif horaire national plancher était devenue une nécessité pour la survie du secteur, le maintien des emplois et un meilleur accompagnement des personnes âgées ». Avec, au passage, un message pour l’ADF : « Nous comptons désormais sur les départements pour mettre œuvre ces nouvelles mesures. »

Même tonalité du côté de la Fédésap (Fédération française des services à la personne et de proximité). Dans un communiqué du 24 septembre, l’association de félicite d' »une mesure historique, réclamée depuis des années […], en faveur du secteur de l’aide et l’accompagnement à domicile, qui souffre, depuis 20 ans, d’hétérogénéité : 101 politiques de l’autonomie, une par département ». La Fédésap relève toutefois, à propos de la dotation qualité de 3 euros de l’heure, « d’importantes zones d’ombre, que devront lever les négociations en cours » et entend « rester attentive aux modalités effectives ». Enfin, elle considère qu' »une grande loi sur le grand âge et l’autonomie, maintes fois promise et repoussée, qui permettra de traiter notamment de la gouvernance du secteur, de la revalorisation des métiers et des salaires, et opérer le virage domiciliaire, est plus que jamais indispensable ».

Vision positive également de l’UNA Domicile qui, dans un tweet du 23 septembre, « salue et partage la vision du gouvernement suite aux annonces de Jean Castex sur la nécessité de fonder une véritable politique de l’autonomie pour permettre un maintien à domicile le plus longtemps possible sur les territoires ».

… mais beaucoup plus réservées dans le secteur public

Les réactions sont nettement plus mitigées, et davantage centrées sur les Ehpad, du côté des représentants du secteur public ou privé à but non lucratif. Ainsi, la Fnadepa (Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées) explique, dans un communiqué du 24 septembre, qu’elle « ne peut cacher sa déception devant les mesures annoncées qui sont insuffisantes et ne permettent aucunement de pallier l’abandon de la loi Autonomie ». La fédération appelle donc « les parlementaires à densifier le PLFSS, afin que celui-ci réponde au moins aux urgences du terrain en intégrant par exemple une campagne massive de recrutement, la généralisation du tarif global en Ehpad ou encore une hausse du temps de médecin coordonnateur pour l’ensemble des Ehpad ». Elle déplore également « le décalage entre les 10.000 recrutements prévus sur 5 ans en Ehpad – soit seulement 2.000 par an – et le besoin réel de 350.000 recrutements d’ici 2024 », ce qui est en fait une confusion entre les créations de postes (10.000) et les recrutements pour remplacer les départs.

Dans un communiqué du 23 septembre, de portée plus générale car consacré à la rentrée sociale, l’Uniopss estime pour sa part que « les politiques […] structurantes, visant à nous projeter dans un avenir commun de moyen ou de long terme, manquent également à l’appel » et que « les rendez-vous manqués ne cessent de se multiplier en cette fin de quinquennat ». La remarque vise notamment « la loi Grand Âge, récemment abandonnée alors que tous les rapports récents nous invitent à l’action », L’Uniopss entend donc proposer « très rapidement plusieurs pistes à l’approche de l’élection présidentielle », notamment après son congrès de la mi-janvier.

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