Des pistes pour promouvoir l’accueil familial

Développé dans certains Départements, l’accueil familial des personnes âgées et des personnes en situation de handicap est une réponse de proximité et une alternative au placement institutionnel. Comment le promouvoir et lever les freins à son développement ? Une table-ronde du 89e Congrès de l’ADF, animée par Frédéric Bierry, Président du Bas-Rhin et Président de la Commission Solidarité et affaires sociales de l’ADF, a permis aux Départements d’explorer le sujet. 

L’accueil familial des personnes âgées et handicapées est appelé à se développer dans les années à venir. C’est en tout cas ce que souhaitent les Départements, qui se sont penchés sur ce mode d’accueil parfois méconnu le 18 octobre 2019 à Bourges. « Pour nous, c’est le meilleur relais au maintien à domicile », a considéré Michel Autissier, Président du Cher et hôte de ce Congrès, vantant le « sur-mesure humain » d’un tel accueil.

Du temps, de la bienveillance et « la vie normale »  

Parmi les avantages mis en avant : des conditions favorables pour la personne accueillie comme pour l’accueillant, un potentiel d’emploi notamment en milieu rural. Jacques Fleury, Vice-Président du Cher en charge des personnes handicapées – MDPH – et personnel départemental, a d’ailleurs rappelé l’objectif de la table ronde : « envisager quelques pistes en rendant hommage à ces personnes qui travaillent 7j/7 pour donner une meilleure vie aux accueillis ». Deux accueillantes du Cher ont eu l’occasion d’en témoigner. Après avoir travaillé une dizaine d’années en Ehpad, Madame Charpentier accueille deux personnes dans sa maison de Ourouer-les-Bourdelins. « J’ai fait le choix de faire le même métier mais à la maison, pour avoir du temps pour eux », a-t-elle expliqué. Quant à Madame Moro, ce sont les situations de maltraitance observées dans son ancienne activité d’aide à domicile qui l’ont décidée à franchir le pas. Sa satisfaction aujourd’hui : « je peux aider trois personnes qui ne manqueront de rien, par ma bienveillance ». La dynamique de groupe et « la vie normale » sont aussi de son point de vue bénéfiques pour le bien-être et la santé des personnes accueillies.

Congrès ADF Bourges ©Thierry Martrou

Pour adapter leur logement à cette nouvelle activité et aux normes requises – ajustements nécessaires à l’obtention de l’agrément -, ces femmes et leur famille ont dû investir, parfois s’endetter. En contrepartie de ces efforts, le statut des accueillants familiaux n’est, aujourd’hui, pas suffisamment protecteur, ces derniers ne percevant pas le chômage après le départ ou le décès d’une personne accueillie. « Il faudrait plus de garanties », a confirmé Madame Charpentier. « Il faut le regarder comme un vrai métier. C’est bien sûr un engagement, ce qui le rend particulièrement noble », a notamment souligné Mathieu Klein, Président de Meurthe-et-Moselle. Cela implique pour lui de donner à ces professionnels une reconnaissance et des moyens adaptés à l’exercice de leur métier.

Sécuriser l’accueillant comme la personne accueillie 

Frédéric Bierry ©Thierry Martrou

« Le droit n’est pas suffisamment abouti », a jugé Frédéric Bierry, Président du Bas-Rhin et de la Commission Solidarité et Affaires sociales de l’ADF, qui animait cette table-ronde. Des propositions ont été formulées dans le cadre de la concertation Grand âge et autonomie. Il y a actuellement, selon Frédéric Bierry, environ 10.000 personnes accueillantes pour un total de 18.000 places potentielles ; « environ 6.000 personnes âgées sont accueillies dans le cadre d’un accueil familial ». L’une des recommandations du rapport remis par Dominique Libault dans le cadre de la concertation « Grand âge et autonomie » est d’augmenter le nombre de places en accueil familial « en confortant leur cadre juridique et en les adossant a? des établissements ou des services ».

« L’enjeu est de garantir à la fois la personne accueillie et la personne accueillante », a résumé Frédéric Bierry, regrettant la parution tardive des décrets d’application de la loi Adaptation de la société au vieillissement de 2015. Parmi les points à préciser : la mise en place des contrats d’accueil et les temps de répit de l’accueillant familial. « Un des enjeux, c’est le décloisonnement », a ajouté Mathieu Klein, insistant sur la nécessité du rattachement des accueillants familiaux à un « plateau technique » quel qu’il soit – hôpital, Ehpad, Département, association. Autant de conditions jugées indispensables pour développer l’accueil familial, dont la vertu humaine est capitale. Une proximité qu’a tenu à rappeler Philippe Wahl, Président directeur général du Groupe la Poste. « Depuis deux ans, nous essayons de déployer des solutions « sur mesure » avec les Départements. La SEM que nous avons créée avec les Landes en est un exemple, pour une expérience de Village Alzheimer ».

Mathieu Klein ©Thierry Martrou

« Inscrire l’accueil familial dans le parcours de la personne »

« Attention, légiférer voudrait peut-être dire mettre un peu plus de rigidité », a alerté Geneviève Mannarino, Vice-Présidente du Département du Nord. Le Nord a fait le choix de s’approprier le cadre actuel pour développer ce mode d’accueil, en réintégrant dans ses services cette compétence auparavant déléguée à des associations. « On a vraiment inscrit l’accueil familial dans le parcours de la personne », a exposé la Vice-Présidente. Le Département compte aujourd’hui 530 accueillants familiaux, suivis en proximité par les relais autonomie. Il développe aussi « l’accueil familial à la ferme », en lien avec la Mutualité Sociale Agricole (MSA) et la Chambre d’agriculture, pour assurer des revenus complémentaires aux agriculteurs lorsque la situation de l’exploitation permet cette double activité.

Plusieurs solutions sont mises en œuvre pour soutenir les accueillants : accès à la formation avec prise en charge des frais de déplacement, temps de répit organisés par des pôles de remplacement, mutualisation avec bientôt des maisons d’accueil familial (MAF). Les accueillants familiaux et les futures MAF peuvent aussi offrir des solutions de répit ou un accueil de jour dans le cadre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). De cette façon, le Département entend apporter des solutions adaptées à chacun, selon les moments de la vie. « La meilleure réponse, c’est que la personne puisse choisir », pour Geneviève Mannarino.

« Le Département a toute sa place pour réunir les parties prenantes et permettre l’émergence de solutions totalement personnelles, personnalisées et complètement propres au territoire », a salué Marie-Anne Montchamp, Présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. « La personne et l’endroit où elle vit » doivent être selon elle les « déterminants » de la prochaine réforme sur l’avancée en âge. La capacité à dégager des moyens pour l’investissement dans les infrastructures – pour des solutions telles que l’accueil familial, mais aussi l’aménagement des domiciles – doit être l’objectif à poursuivre.

 

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