Illectronisme : les Départements se mobilisent contre l’illettrisme numérique

Déclarer ses revenus, créer son entreprise, faire une réclamation : de plus en plus de démarches administratives se font en ligne. Alors que le Sénat vient de rendre son rapport sur l’illectronisme en France, les Départements se mobilisent plus que jamais pour combattre la précarité numérique, identifier, accompagner et faciliter l’accessibilité à la « vie numérique » qui fait tant défaut parmi les populations les plus fragiles. Une volonté de faire de l’inclusion numérique une véritable priorité sur l’ensemble du territoire, en perpétuelle mutation technologique.

Une précarité numérique handicapante

La précarité numérique se dévoile de plus en plus aux yeux de tous, et le confinement qui a imposé une relation à l’autre souvent entièrement dématérialisée a accentué cette prise de conscience. Plus de 12 millions de Français seraient aujourd’hui en difficultés avec les usages du numérique, notamment pour remplir des formalités, dans l’employabilité ou d’autres actions du quotidien, engendrant ou accentuant un non-recours à des droits ou à des opportunités. Cet éloignement fragilise d’autant plus les personnes qui subissent cette situation et qui rompt de fait l’égal accès des chances au sein de la population dans un monde de plus en plus numérique.

Face à ce constat, les Départements, chefs de file des solidarités dans les territoires et des politiques d’insertion, sont depuis des années les acteurs majeurs sur le terrain de la lutte contre cette nouvelle forme d’exclusion. Le rapport de la Mission du Sénat sur l’illectronisme qui vient de paraître rappelle la gravité et l’urgence de la situation. L’obtention d’un financement exceptionnel – à hauteur de plus de 200 millions € – dans le Plan de relance du gouvernement, pour faciliter l’embauche de médiateurs numériques sur les territoires, constitue une autre reconnaissance du besoin dans ce domaine.

Des dynamiques freinées

Un cadre national a été défini en 2018, et la Stratégie nationale que les Départements ont particulièrement portée, grâce à l’expertise initiale des Départements des Pyrénées-Atlantiques, du Calvados et de la Gironde, aurait dû permettre une accélération de la lutte contre cette nouvelle forme de précarité. Des chartes volontaires (avec 6 Départements impliqués – sur un total de 10 collectivités – comme la Charente-Maritime) ont été signées afin de mettre en œuvre les mesures socles du plan commun. Pour autant, des budgets nationaux trop restreints et difficilement accessibles et la difficulté à mettre en place de nouvelles structures de diagnostic, de coordination et de cofinancement (« Hubs », territoires d’action pour un numérique inclusif – TANI, « Pass numériques », etc.), ont freiné l’engagement d’une dynamique de généralisation de ces nouvelles formes d’actions à l’ensemble des territoires.

Devant cette situation, les Départements continuent de demander à l’Etat une nouvelle approche, reconnaissant les besoins de subsidiarité, de souplesse et de territorialisation vis-à-vis des acteurs locaux, en s’appuyant sur des outils de coordination à l’échelle départementale (Schéma départemental d’Amélioration de l’accessibilité des Services au Public – SDAASP par exemple). La finalisation de la mise en place, à l’échelle nationale, d’outils indispensables tels que « AidantsConnect » faciliterait la relation avec les populations fragilisées et amplifierait les résultats attendus.

Des solutions locales innovantes

Pour autant, les Départements ne se limitent pas à décliner des mesures nationales dans leurs territoires. Des solutions innovantes ont d’ores et déjà été mises en place et financées pour apporter des solutions opérationnelles.

La Loire-Atlantique appuie ainsi la structure Uni-Cités qui permet, avec des personnels en service civique, d’apporter une aide et une formation au numérique par des permanences animées dans les zones les plus rurales du Département.

L’Allier met quant à lui en œuvre un plan départemental d’inclusion complet pour rendre accessible et visible l’offre d’accompagnement numérique et encourager l’acquisition d’une culture numérique. Mixant accueil dans l’ensemble des structures existantes mobilisées dans cette optique et volonté de pousser le service vers l’usager, le Département propose ainsi un bus de service numérique itinérant (« Bourbon’Net ») qui apporte un service concret d’accompagnement au plus près des personnes isolées.

D’autres Départements, comme La Manche, impulsent des expérimentations locales de coordination des actions d’inclusion numérique, associant acteurs et centres sociaux, l’ensemble des collectivités et l’Etat, ainsi que des entreprises comme La Poste. L’objectif est de proposer et de promouvoir ensemble, après un repérage partagé des besoins, des séances d’initiation gratuites à l’outil informatique à des publics éloignés des procédures dématérialisées, afin de leur permettre de devenir autonomes dans leurs démarches du quotidien.

 

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