Etape 12 : Hirschi a désormais la Corrèze en cathéter

Avec 218 km au compteur, l’étape du jour était la plus longue de cette édition 2020 et la seule à dépasser les deux cents kilomètres. Sur les routes vallonnées de la Vienne d’abord, davantage tourmentées ensuite à travers les Départements de la Haute-Vienne et de la Corrèze, cette 12e étape était forte en symboles : de Saint-Léonard-de-Noblat, ville d’adoption de Raymond Poulidor à Sarran, fief de Jacques Chirac, le Tour nous aura su infuser toute l’émotion que seule la Grande Boucle sait offrir.

Plus habitué aux départs de Poitiers ou du Futuroscope, la caravane du Tour posait aujourd’hui ses valises à Chauvigny, ville-étape de la Vienne pour la première fois. Cette cité médiévale avec ses cinq châteaux groupés sur un même site, une exception à l’échelle européenne, a donné le ton : les routes du Parc naturel de Millevaches ont dévoilé tous leurs atouts, sortes de secrets bien gardés que ces charmantes bourgades du Limousin ne dévoilent qu’aux curieux. Des clochers en bois si atypiques dans la traversée de Droux ou Randon à l’unique église en toit de chaume de Saint-Martial de Lestards en passant par le Lac de Saint-Pardoux, le tracé a joué les cartes postales de ce joli cœur de France.

Entre Poupoumania et Chiraquie

Aux abords du km 114,5, dès l’entrée dans Saint-Léonard-de-Noblat, la tension était palpable. Tout avait été organisé pour que Poupou, l’enfant du pays, s’arrête quelques instants avant de poursuivre son chemin. Alors même que l’étape était déjà tracée, nous quittait l’an dernier Raymond Poulidor… Monté huit fois sur le podium de la Grande Boucle sans jamais avoir porté ne serait-ce qu’une journée le maillot doré mais vainqueur de sept étapes, l’homme a conquis le cœur de tous. Amoureux du Tour, il l’a suivi après sa carrière pendant de longues années. Quel plaisir de le saluer le matin, juste avant l’ou­verture officielle du Village, concentré sur son journal et ses mots fléchés. Un sourire, un regard, une tendresse… Avant l’arrivée, il fallait s’approcher et tendre l’oreille, lui qui, sagement assis devant un écran commentait avec justesse et sobriété le final de l’étape…

Poupou, tu nous manques ! Ces inscriptions ont fleuri en nombre sur la route de l’étape. Entre panneaux, photos, calicots, maillots collector ou reproductions de la célèbre tunique Mercier jaune et violet placardées tout au long des 117 km parcourus en Haute-Vienne, l’« éternel second » s’est rappelé à notre bon souvenir, sous le bienveillant regard d’Antoine Blondin…

Du Chabichou du Poitou aux pommes et vaches du Limousin

Car Km 168, c’est le portrait de Blondin l’écrivain et auteur d’innombrables chroniques sur le Tour dans le journal l’Equipe qui était à l’honneur. Mais peu de temps pour les hommages. Laissant derrière lui Treignac, le peloton serpentait dans une forêt de sapins jusqu’à l’arrivée à Sarran. L’ascension du Suc au May, courte mais tranchante, enchaînait avec une descente technique sous les arbres. Les rétrécissements dans la traversée des villages, parfaitement signalés par les équipiers des Départements de France partis dès potron-minet, étaient maîtrisés.

Mais l’étape du souvenir ne s’arrêtait pas là. Un dernier hommage fut rendu, celui à Jacques Chirac qui, maire de Paris, premier ministre, puis Président a toujours conservé avec le Tour d’étroits liens de sympathie. Près de 300 m3 de matériaux (composés de sciure et de compost) ont été recyclés afin de réaliser une fresque de 200 x 300 m de surface… avec bien entendu des pommes du Limousin pour représenter la cravate du Président !

L’Helvète en solitaire

Emportés par les charmes du paysage et l’émotion du jour, la course imprimait une sorte de langueur monotone. Six échappés menaient la danse, jusqu’à ce que le panneau des 90 km/h à l’entrée de la Corrèze imprime un changement de rythme. Beaucoup de mouvements s’opèrent dans la Côte de la Croix du Pey, les coureurs sont peu à peu distancés. Marc Hirschi en profite pour placer une attaque et lâcher les rescapés. Julian Alaphilippe, à qui l’on promettait le final en côte, a bien tenté de revenir, mais en vain. Le peloton maillot jaune ne reverra pas le Suisse, qui s’envole et exécute à la perfection un numéro de soliste.

Sur les terres de l’éternel second, l’helvète, à deux pas de la victoire à Nice et à Laruns, passe ainsi un nouveau palier. Pour sa première participation au Tour, il signe à 22 ans une victoire de haut vol. Et le garçon n’en est pas à son coup d’essai puis qu’en 2018, il devenait le premier coureur à obtenir la même année les titres de champion du monde et champion d’Europe sur route espoirs… Plus qu’un espoir à suivre !

 

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