Engagement et proximité : parité, compétences locales… les premiers arbitrages du Sénat

Le Sénat a donné le 8 octobre le coup d’envoi de deux semaines de discussions sur le projet de loi Engagement et proximité. Et a d’ores et déjà adopté quelques amendements substantiels. Il a ainsi généralisé la conférence des maires et renforcé la place des femmes dans les intercommunalités. Il a, aussi, poursuivi le travail entamé en commission destiné à rééquilibrer les compétences locales en faveur des communes. Bilan des mesures déjà adoptées par la Haute Assemblée, avant que les débats ne reprennent le 15 octobre.

Le Sénat a ouvert la voie à une plus forte présence des femmes dans les instances intercommunales dès les prochaines élections de 2020, mais en choisissant l’option de la douceur. Les amendements présentés par les rapporteurs de droite et du centre et le groupe PS prévoient que la proportion de femmes au sein des exécutifs des EPCI soit au moins équivalente à leur proportion au sein de l’assemblée communautaire. « Hormis le président et les vice-présidents, l’organe délibérant restera libre d’attribuer les autres sièges au sein du bureau à qui il le souhaite et notamment aux maires des communes membres », indiquent Mathieu Darnaud (LR) et Françoise Gatel (UC), les deux rapporteurs du texte. La sénatrice a donné l’explication en séance : si la parité était appliquée pour l’ensemble du bureau, tous les maires ne pourraient y siéger. « La parité obligatoire dans les exécutifs se fera au détriment des petites communes, puisque ce seront les adjointes des grandes villes qui seront forcément vice-présidente », s’était inquiété plus tôt la sénatrice LR Agnès Canayer.

Le compromis trouvé « n’est pas une parité 50/50, mais c’est une introduction de la parité », a estimé Françoise Gatel. C’est un avis de « sagesse favorable » que le ministre chargé des collectivités territoriales a émis. « La bonne réforme pour la parité reste évidemment la parité dans les conseils municipaux, c’est-à-dire la parité lors de l’élection municipale, et donc, mécaniquement, la parité se fera dans les intercommunalités », a-t-il affirmé. Une position approuvée sur certains bancs des indépendants et des socialistes. C’était d’ailleurs le souhait en début d’année de cinq associations d’élus locaux (Association des maires de France, Assemblée des communautés de France, Villes de France, Association des petites villes de France et France urbaine). Dans un communiqué, elles demandaient d’étendre aux communes de moins de 1.000 habitants l’élection au scrutin de liste paritaire par alternance, sans panachage possible – aujourd’hui en vigueur dans les communes de 1.000 habitants et plus.

Rappelons qu’à peine plus de 31 % des conseillers communautaires sont des femmes et que celles-ci sont encore moins nombreuses dans les exécutifs intercommunaux : elles représentent 20 % des vice-présidents et seulement 8 % des présidents.

Généralisation de la conférence des maires

S’agissant – au même article du projet de loi – de la désignation des vice-présidents des EPCI, la commission des lois en avait simplifié les modalités (en substituant le scrutin de liste majoritaire à l’actuel scrutin uninominal majoritaire, qui conduit à des opérations de vote parfois fastidieuses. En séance, le Sénat a simplifié cette fois les opérations de désignation des membres du bureau autres que le président et les vice-présidents. « Si le nombre de candidatures déposées correspond exactement aux nombres de postes à pourvoir », les candidats seront immédiatement élus.

On retiendra encore que le Sénat, au terme de vifs débats, a rendu obligatoire la création d’une conférence des maires dans les intercommunalités, avec l’objectif de faciliter l’expression des maires des petites communes. Le texte initial du gouvernement prévoyait la création d’un « conseil des maires », « instance de coordination » entre l’intercommunalité et l’ensemble des maires des communes membres, si 30% des maires en font la demande. En commission, les sénateurs ont renommé le « conseil des maires » en « conférence des maires », sans toucher à sa nature consultative. Contre l’avis du gouvernement, le Sénat a avalisé – à une très courte majorité – un amendement centriste rendant obligatoire la création de cette instance partout, sauf dans le cas où le bureau de l’intercommunalité comprend déjà l’ensemble des maires des communes membres. Au passage, on notera que l’obligation a été étendue aux 11 établissements publics territoriaux qui, avec la capitale, forment la métropole du Grand Paris. La Chambre Haute a également prévu que cette conférence se réunira (partout où elle aura été instaurée – au moins une fois par trimestre. « Il y a des maires de petites communes qui se sentent marginalisées. Il faut des instances de dialogue », a argué l’auteur de la disposition, Jean-Marie Mizzon. « Je note que pour une fois, ce n’est pas le méchant gouvernement qui impose des obligations aux territoires », a ironisé, de son côté, le ministre chargé des Collectivités territoriales.

Urbanisme communal

Également dans l’objectif que les élus municipaux soient mieux associés aux travaux de l’intercommunalité, le Sénat a élargi la possibilité pour ceux qui ne siègent pas dans le conseil communautaire de participer aux réunions des commissions mises en place par l’intercommunalité et a amélioré l’information dont ils disposent sur les activités de l’EPCI à fiscalité propre, mais aussi sur celles des syndicats de communes.

En outre, les sénateurs ont étoffé le contenu du pacte de gouvernance entre les communes et l’EPCI, que les communautés peuvent instituer en début de mandat. Ils ont ainsi ajouté que ce dernier détermine « les moyens de renforcer les solidarités financières au sein du territoire, ainsi que les objectifs à poursuivre, le cas échéant, par la réalisation d’un pacte financier et fiscal entre l’intercommunalité et ses communes membres ». Ils ont aussi prévu que le document fixe « les modalités d’association des acteurs socio?économiques à la prise de décision ». Ce complément, dont la portée est symbolique, a pour but de faire avaler la pilule de la suppression de l’obligation de créer des conseils de développement dans les communautés de plus de 20.000 habitants, qui figure dans le projet de loi.

S’agissant du partage des compétences entre les communes et l’intercommunalité, la commission des lois avait réalisé un rééquilibrage au profit des premières. Dans l’hémicycle, les sénateurs ont continué à faire pencher la balance de ce côté-là. Ainsi, ils ont rendu à la commune l’exercice de plein droit de la compétence du droit de préemption urbain (DPU), tout en lui permettant de déléguer celle-ci à l’EPCI. Le transfert de ce droit à l’intercommunalité (automatique dans les métropoles et les communautés urbaines) a généré de la « frustration » chez « beaucoup de maires », selon l’amendement. Le Sénat est allé plus loin en faveur des communes du Grand Paris, puisqu’il a décidé qu’elles pourraient être de nouveau responsable du plan local d’urbanisme, si elles le souhaitent. Aujourd’hui, cette compétence est exercée de droit par les établissements publics territoriaux de la métropole.

Les ZAE, déclarées d’intérêt communautaire

De plus, la Haute Assemblée a décidé que la compétence en matière de zones d’activité économique (ZAE) devait être d' »intérêt communautaire ». Alors que la loi Notr du 7 août 2015 a ôté aux communes la possibilité d’intervenir dans ce domaine, les amendements de sénateurs LR, PS et UDI redonnent aux communes « la liberté de décider des ZAE pour lesquelles l’échelon communautaire serait le plus pertinent et des zones qui pourraient rester dans le giron communal ».
Parmi les autres évolutions du texte, on retiendra celle qui confère à la commission départementale de la coopération intercommunale (la CDCI, dans laquelle siègent des élus locaux) le pouvoir, si la moitié de ses membres le demande, de saisir le préfet d’une demande de révision de la carte intercommunale. S’il en accepte le principe, le représentant de l’Etat sera tenu de présenter dans un délai de trois mois un projet de révision du schéma.

Enfin, on notera que le Sénat est revenu sur deux dispositions que la commission des lois avait approuvées le 2 octobre. La première prévoyait que les communes perçoivent une dotation lorsque l’EPCI leur transfère des compétences. Avec la mesure, les communes n’auraient plus intérêt à « jouer le jeu » de l’intercommunalité, a pointé le groupe LREM. De son côté, le groupe socialiste s’est inquiété du « risque d’un véritable détricotage de l’intercommunalité ». La Haute Assemblée est aussi revenue sur un amendement qui levait l’incompatibilité entre l’exercice d’un emploi salarié au sein d’une commune membre d’un EPCI et le mandat de conseiller communautaire au sein de la même communauté.

Les débats en séance reprendront mardi 15 octobre à l’article 10 du projet de loi et doivent durer jusqu’au jeudi 17 octobre au soir. 433 amendements restent à examiner. Le vote sur l’ensemble du texte aura lieu le mardi 22 octobre.

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