Agressions de pompiers : les caméras piétons lancées dans dix Départements et à Paris

Le ministre de l’Intérieur a officiellement lancé, jeudi 5 septembre, l’expérimentation des caméras piétons par les pompiers du Sdis du Val-d’Oise et de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Neuf autres Sdis rejoindront cette expérimentation jusqu’en février 2022. Les caméras s’inscrivent dans un plan plus vaste de lutte contre les agressions de pompiers qui ont triplé en dix ans.

Alors que le mouvement de grève des pompiers qui devait s’achever le 31 août a été prolongé  jusqu’à la fin du mois d’octobre, le gouvernement semble vouloir accélérer la mise en oeuvre de mesures qui restaient en suspens. Après deux instructions visant à féminiser les recrutements et à favoriser l’engagement différencié, le ministre de l’Intérieur a officiellement lancé, jeudi 5 septembre, l’expérimentation des caméras piétons. Cette mesure fait partie d’un plan d’actions visant à lutter contre les agressions de pompiers en intervention, dont le nombre a triplé en dix ans. La lutte contre les agressions fait d’ailleurs partie des principales revendications des sept syndicats grévistes.

Depuis le 1er janvier 2019, les pompiers ont subi 1.274 agressions physiques ou verbales, selon la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), soit cinq par jour (sur 10.000 interventions quotidiennes).

Au total 2.012 pompiers ont été agressés (une même agression recensée pouvant toucher plusieurs pompiers) et 312 blessés. Dans 4% des cas d’agression, une arme a été utilisée.

« Les sapeurs-pompiers  ne sont plus seulement victimes de simples incivilités, mais de véritables guet-apens : jets de pierre, de cocktails Molotov ou de parpaings, agressions à l’arme blanche ou encore attaques et destruction de véhicules et de centres de secours », dénonce la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) dans un document récemment remis à la mission sénatoriale qui depuis le printemps planche sur le sujet.

Un champ trop limité ?

À cet égard, les caméras-piétons sont vues comme « un outil de prévention et un outil de fermeté », a déclaré Christophe Castaner, cité par l’AFP, lors d’une allocution à la caserne des sapeurs-pompiers de Saint-Denis, jeudi. « L’utilisation des caméras permet de prévenir les passages à l’acte, le cas échéant de collecter des preuves pour identifier et poursuivre les auteurs, et d’améliorer la formation des agents », précise le dossier de presse du ministère. « Une fois anonymisées, elles pourront servir dans le cadre de l’amélioration de la formation. »

Les conditions de cette expérimentation qui se déroulera jusqu’en février 2022 ont été fixées dans un décret publié le 19 juillet (voir notre article du 19 juillet).

Les dix Sdis (services départementaux d’incendie et de secours) retenus pour l’expérimentation sont ceux de la Haute-Garonne, de la Gironde, de la Loire-Atlantique, du Maine-et-Loire, du Morbihan, du Nord, des Pyrénées-Orientales, du Rhône, des Yvelines et du Val-d’Oise, auxquels s’ajoute la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) – qui couvre Paris, les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne. Les caméras seront d’abord déployées au sein de la BSPP et du Sdis du Val-d’Oise où s’est également rendu le ministre, jeudi, avant d’être étendues aux neuf autres départements.

Seulement, pour la FNSPF, le cadre d’expérimentation est trop restreint pour être vraiment dissuasif. La caméra est enclenchée « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident de nature à mettre en péril leur intégrité physique », selon ce décret pris en application de la loi du 3 août 2018 relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras-mobiles par les autorités de sécurité publique. Or cette loi précise que l’enregistrement « ne peut être déclenché dans les cas où il est susceptible de porter atteinte au secret médical », ce qui exclut de fait toutes les interventions à domicile en cas de secours à personne. « Loin de se limiter aux seules violences urbaines et aux quartiers dits sensibles, les agressions de sapeurs-pompiers sont de plus en plus commises dans le cadre de missions d’assistance aux personnes en détresse sociale (personnes fortement alcoolisées, sous l’emprise de stupéfiants…) ou psychologique, à domicile ou sur la voie publique », souligne la fédération, dans sa contribution à la mission sénatoriale.

Faciliter le dépôt de plainte

D’ailleurs, 80% des agressions sont le fait de la personne secourue ou son entourage. Une campagne nationale sera lancée dans quelques jours, a annoncé Christophe Castaner.

Les caméras s’inscrivent dans un plan plus vaste qui comprend d’autres mesures, comme le renforcement des « protocoles opérationnels ». Les préfets devront élaborer des procédures spécifiques pour l’intervention dans les secteurs sensibles, faciliter les dépôts de plainte et promouvoir la « protection fonctionnelle » systématique des forces de l’ordre. « En cas d’agression commise à l’encontre d’un sapeur-pompier (…), la règle retenue est le dépôt de plainte systématique par l’administration », souligne le ministère. Les pompiers seront aussi formés à la négociation face à une personne agressive. Le ministère entend aussi renforcer le recrutement de pompiers dans les quartiers. « Des initiatives locales ont permis de créer du lien, d’entretenir un dialogue entre les pompiers et la jeunesse des quartiers difficiles ou en rupture sociale, conduisant aussi à la réduction du phénomène de violences urbaines envers les pompiers », souligne le ministère.

La FNSPF demande de « garantir l’anonymat des plaintes des témoins d’agressions de sapeurs-pompiers », comme le prévoit une proposition de loi adoptée par le Sénat le 6 mars 2019.

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