« 12 mesures prioritaires pour un déconfinement réussi » : les propositions du Sénat en coordination avec l’AMF, l’ADF et Régions de France

Face aux nombreuses interrogations concernant les modalités envisagées par l’État en vue du déconfinement, le Président du Sénat, Gérard Larcher, et les Présidents des trois grandes associations d’élus, Dominique Bussereau (ADF), François Baroin (AMF) et Renaud Muselier (Régions de France) ont souscrit, dans le cadre d’une démarche de partenariat constructif État-collectivités, à la proposition de Jean-Marie Bockel, Président de la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales du Sénat, d’élaborer une liste de points de vigilance à l’attention du Gouvernement pour l’application territoriale de la stratégie nationale de déconfinement.

12 propositions ont ainsi été listées au plan national comme au plan local pour un déconfinement réussi.

Au plan local

1. Créer un pôle de décision autour du préfet de Département : la mesure vise à confier aux préfets, en étroite coordination avec les acteurs territoriaux, l’autorité sur l’ensemble des services de l’État (administrations déconcentrées, agences, éducation nationale, etc.). Il s’agirait de définir des méthodologies locales de déconfinement sous tous les aspects (pouvoirs de police des maires, ouverture des marchés alimentaires, contrôles sur la voie publique, mesures sanitaires, mesures réglementaires dérogatoires et de simplification des normes et marchés publics).

2. Renforcer le rôle des élus locaux dans la gouvernance des agences régionales de santé (ARS) mais également dans celle des hôpitaux : il s’agit de mieux coordonner les actions sanitaires locales avec les besoins des populations et de reconnaître les élus locaux comme acteurs de l’organisation territoriale de l’offre de soins et de l’organisation sanitaire en redonnant toute son importance au maillage territorial de proximité. Ceci ne présume pas d’une évolution structurelle ultérieure des ARS.

3. Évaluer la stratégie de réouverture des écoles, collèges et lycées avec les communes, Départements et régions : en marge du temps scolaire relevant du ministère de l’Éducation nationale, la gestion des temps périscolaires, les entrées et sorties des établissements, le soutien scolaire et la restauration collective relèvent de la responsabilité des collectivités territoriales en termes d’organisation et de sécurité des agents publics. Les décisions doivent être concertées entre le préfet, les exécutifs locaux concernés et l’Education Nationale, sur la base du protocole sanitaire national.

4. Clarifier la doctrine de l’État en matière de distribution et d’usage des masques : la reprise de l’activité dans les différents secteurs exige une distribution massive de masques à nos concitoyens ainsi que leur usage systématique et obligatoire, dans les transports et les commerces, mais aussi dans les lieux de travail, dans l’espace public et à domicile en cas de présence de personnes infectées. Une distribution efficace et réactive, sous la responsabilité pleine et entière de l’Etat exige de sa part qu’il consulte les collectivités territoriales sur les méthodes à mettre en œuvre, dans des conditions adaptées au niveau local (mise à disposition de locaux, « drive »).

5. Préparer l’élargissement de la politique de réalisation de tests de dépistage : nous comprenons les contraintes matérielles qui conduisent pour l’instant à limiter les tests aux chaînes de contamination, cependant, à l’exemple de nombreux autres pays, il serait souhaitable d’étendre la réalisation de tests aux personnes asymptomatiques, qui représentent 50 % des cas malades et sont responsables de 44 % des contagions, afin d’identifier ces porteurs du virus et de les isoler. Ici encore un travail commun avec les collectivités sera nécessaire, en particulier pour aménager des lieux de tests (gymnases, drives…). Il importe de s’appuyer également sur les centres de santé et maisons de santé lorsqu’ils existent.

6. Ouvrir des hébergements supplémentaires : les collectivités disposent de capacités d’hébergement provisoire qui pourraient permettre de confiner les personnes infectées, mais aussi d’assurer un logement d’urgence aux victimes de violences conjugales et aux personnes sans-abri. De son côté, l’État doit pouvoir mobiliser des hébergements hôteliers, ce qui, au surplus, constituerait un soutien vital au secteur de l’hôtellerie-restauration. Ceci requiert une coordination globale avec l’État pour faciliter ces mises à disposition en tenant compte des besoins locaux.

7. Contrôler l’impact de la reprise des transports publics sur la diffusion de l’épidémie de Covid-19 : les régions et les autorités organisatrices de la mobilité sont en première ligne et leurs avis et propositions sont en première ligne au titre de leur compétence de transport et leurs avis doivent être pris en compte dans la stratégie de la lutte contre de nouvelles vagues de contamination qui seraient propagées par un retour massif de la population dans les transports en commun. Ces transports ont généré 34 % des origines des clusters en Chine.

8. Assouplir les compétences réciproques entre les différents niveaux de collectivités pour améliorer le soutien au petit commerce et au tourisme : l’urgence économique locale doit être à l’accompagnement des acteurs du petit commerce, de l’hôtellerie-restauration et du tourisme qui ont subi et vont subir de lourdes pertes d’activité au-delà du 11 mai.

Au plan national

9. Réussir le déconfinement par une concertation nationale étroite : le Sénat, au titre de sa mission constitutionnelle de représentation des collectivités territoriales, et les associations représentatives des collectivités territoriales doivent être associés par le Gouvernement à la définition des mesures de déconfinement qui, pour la plupart, auront un impact sur elles.

10. Elaborer, en partenariat État-Associations d’élus locaux, un guide pratique à destination des autorités locales : ce guide, décliné par grandes thématiques et qui pourrait notamment consister en une plateforme numérique d’assistance et/ou une centrale d’appel, viserait à faciliter les démarches des élus face à l’épidémie et à assurer une bonne diffusion des éléments de doctrine nationaux en la matière.

11. Nationaliser la dette Covid-19 des collectivités territoriales par l’État : l’effondrement des recettes des communes et des EPCI est évalué autour de 10 milliards d’euros, auquel il faut ajouter les pertes de recette des départements et des régions.

12. Conforter les ressources des collectivités territoriales compte tenu de l’impact prévisible considérable de l’épidémie sur leurs moyens et leurs dépenses. La situation exige que le Gouvernement accorde de nouvelles marges de manœuvres budgétaires aux collectivités pour financer leurs dépenses urgentes liées au coronavirus (par exemple, regroupement de ces dépenses dans des budgets annexes ou des comptes dédiés…). Au-delà, et à plus long terme, c’est l’ensemble des finances locales qu’il faut réinventer pour permettre aux échelons de proximité indispensables que sont les collectivités de jouer leur rôle au service des citoyens. Dans cette perspective, la remise en cause des impôts économiques locaux paraît encore moins pertinente qu’elle ne l’était auparavant.

 

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